
C’est manifeste depuis le début de son pontificat: le pape aime les périphéries. Lui-même originaire des marges (de l’Europe en tout cas), il ne cesse de se rendre attentif aux personnes sans-voix. Aux plus petits, aux blessés, aux fragilisés de la route. Et il invite l’Eglise entière à faire de même.
Parmi les catégories de « marginaux », il en est une pour laquelle il nourrit une attention – une affection même – particulière: les migrants. De Lampedusa (2013) à Marseille (2023) en passant par Lesbos (2021), c’est sans relâche que l’évêque de Rome se fait leur défenseur. Parallèlement, c’est inlassablement qu’il dénonce « les peurs », « l’indifférence », « les portes fermées » ou encore « l’égoïsme » des Occidentaux.
Nous l’avons déjà écrit ici: le pape est parfaitement dans son rôle. Fidèle à l’Evangile, François est là pour éveiller nos consciences et réveiller nos cœurs, pour lutter contre les injustices et faire œuvre prophétique. Il agit avec foi et passion. Avec un souci de cohérence aussi: difficile d’identifier, chez lui, un décalage entre les propos et les actes.
Reste que la méthode de François comporte aussi des limites. A l’extérieur de l’Eglise, certains admettent volontiers ne plus écouter le Saint-Siège sur les questions migratoires. Et à l’intérieur de l’Eglise, de nombreux catholiques regrettent la vision « caricaturale » du pape. Un risque existe: celui que le clivage sur la question se transforme en véritable rupture.
Que faire? Aurions-nous l’audace de formuler trois suggestions au pape? Essayons.
1) François pourrait-il davantage saluer ce que nombre d’Occidentaux font déjà? Ils sont nombreux, croyants et non-croyants, à s’engager sincèrement en faveur de l’accueil et de l’intégration des migrants. En écoutant François, on a parfois l’impression que les Occidentaux ne seraient que des égoïstes…
2) Pourrait-il aussi reconnaître un peu plus la difficulté du défi? La migration n’est pas une question facile. Construire des sociétés multiculturelles apaisées nécessite des efforts collectifs et individuels, de la part de toutes les parties.
3) Enfin, François pourrait-il aussi écouter un peu plus les peurs suscitées par les migrants? Qu’elles soient excessives ou fondées n’est pas la question: on ne trouvera pas de solution heureuse sans prendre en compte les émotions des gens. Les ignorer revient parfois même à les attiser.
Vincent DELCORPS