« Cette fois, il y a urgence ! » : Réactions à la publication de « Laudate Deum »


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« Cette fois, il y a urgence ! » : Réactions à la publication de « Laudate Deum »
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
5 min

La publication de l'exhortation apostolique Laudate Deum suscite commentaires et réactions. Tous deux co-référents en Ecologie intégrale au vicariat du Brabant wallon, Françoise Huybrechts et Christophe Renders réagissent à la lecture de l'exhortation dans laquelle "le pape François appelle l’humanité à la mobilisation et à l’humilité".

Le temps presse, nous rappelle l'exhortation apostolique Laudate Deum.
© CCO Pxhere

Pour Françoise Huybrechts, il ne s’agit "pas uniquement d’une piqûre de rappel, mais d’un cri puissant adressé à tous. Le pape François constate 'que nos réactions sont insuffisantes, alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture'."  Autrement dit, elle observe que "l'exhortation lancée dans Laudato si' à prendre soin de notre maison commune n’a sans doute pas trouvé la réponse nécessaire. Il faut agir plus vite et de manière plus intense. Face aux résistances des climatosceptiques, le pape avance des données scientifiques issues des rapports du GIEC, démonte quelques préjugés et réinsiste sur la cause anthropique du changement climatique." Et la co-référente de citer François, "obligé d’apporter ces précisions, qui peuvent sembler évidentes, à cause de certaines opinions méprisantes et déraisonnables" qu'il estime également présentes au sein de l’Eglise catholique.

De son côté, Christophe Renders est frappé par la répétition du mot "urgence" dans l'exhortation apostolique. Il y voit, lui aussi, le fait qu'il "n’est plus temps de tergiverser". Et de poursuivre : "En lisant certains paragraphes, j’ai pensé à Jésus chassant les vendeurs du Temple : 'Qu’avez-vous fait et que faites-vous de notre maison commune ?' semble dire le pape à ceux qui n’ont pour seule logique que la maximisation du profit au moindre coût ou qui considèrent que l’être humain peut mettre la main sur tout ce qui existe et le soumettre à ses caprices." Le co-référent voit également d'autres similitudes : "En d’autres paragraphes, le pape ressemble au Christ pleurant sur Jérusalem : il se désole de la faiblesse des réactions internationales, et notamment des maigres fruits des conférences sur le climat (COP), malgré les nombreuses voix, dont la sienne, qui se sont élevées pour tirer la sonnette d’alarme."

Un changement de comportement impératif

Poursuivant son analyse de Laudate Deum, Françoise Huybrechts souligne que le pape François invite "aux engagements personnels, mais aussi collectifs et politiques à grande échelle. Après un historique des avancées fructueuses ou non des COP, il lance un appel au courage politique international soutenu par tous, y compris certains groupes fustigés comme 'radicalisés'." Et la co-référente de s'interroger sur une éventuelle portée historique de la prochaine COP28 à Dubaï.

"Malgré ces constats, le pape ne se résigne pas", souligne Christophe Renders. "Comme le Christ envoyant ses disciples en mission, il continue à appeler chacun, chacune, à se mobiliser pour un changement culturel qui passe par un changement de mode de vie. Mais, surtout, il insiste pour que l’humanité toute entière se mobilise résolument pour faire face à l’urgence. Il appelle de ses vœux un renouvellement du multilatéralisme, qui serait plus agile et plus efficace, s’appuierait notamment sur les forces de la société civile et sur ce qu’il nomme une plus grande 'démocratisation dans la sphère mondiale'."

Si Françoise Huybrechts considère "ce texte fort, puissant et engagé dans les questions brûlantes d’actualité", la co-référente estime aussi qu'il "rappelle aux chrétiens les motivations spirituelles de leurs actions et le sens de celles-ci : 'Le monde chante un Amour infini, comment ne pas en prendre soin ?'", cite-t-elle, en se référant à Laudate Deum. Pour Christophe Renders, "François en appelle aussi à l’humilité. Le dernier paragraphe, où il explique le titre de l’exhortation (Louez Dieu), en est peut-être l’illustration la plus frappante : 'Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même.' Le pape invite à abandonner l’illusion technocratique d’un être humain tout puissant et sans limite pour que celui-ci retrouve sa juste place dans la création, dans une relation saine et harmonieuse avec les autres vivants."

Retrouvez ici les meilleurs passages de l'exhortation 'Laudate Deum'

Huit ans déjà

Co-référente en Ecologie intégrale au vicariat du Brabant wallon, Françoise Huybrechts comprend l'influence toujours grande de Laudato si', même huit ans après sa publication, le 24 mai 2015. "L'encyclique a rejoint une question existentielle : pour la première fois dans son histoire, l'homme est en train de tuer sa propre civilisation et le monde qu’il habite, notre maison commune." Si elle estime ce texte aussi fondamental, c'est parce que "Laudato si' nous a interpellés et a mis en évidence les causes de ce bouleversement majeur : emporté dans sa course aux progrès, l’être humain a imaginé la possibilité d’une croissance infinie et illimitée, oubliant ainsi les limites des ressources de notre planète et négligeant les conséquences environnementales et sociales à grande échelle. Ce rapport au monde a aussi des causes spirituelles."

"L'homme se prend pour Dieu"

"Il faut que l'humain retrouve une position à sa juste place. La création est un cadeau. A lui d'en prendre soin", estime-t-elle. La création concerne à la fois l'environnement et les frères humains, "tous deux intimement liés, comme aime à le répéter le pape François dans Laudato si'". Elle le reconnaît, la publication de cette encyclique l'avait profondément réjouie. "Pour moi, elle répondait à un manque. Elle a donné la parole à une perception qui avait déjà lieu dans les mouvements de la transition. Si Laudato si' a poursuivi son chemin depuis huit ans, il n'en demeure pas moins qu'il est encore timide dans l'Eglise institutionnelle."

Propos recueillis par Angélique TASIAUX

Et pour en savoir plus sur l'écologie intégrale ainsi que les missions poursuivies par Françoise Huybrechts et Christophe Renders au Vicariat du Brabant wallon, c'est ici que ça se passe : https://www.bwcatho.be/proche-et.../ecologie-integrale/


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