Publiée le 4 octobre, fête de saint François d'Assise, l'exhortation apostolique Laudate Deum s'inscrit dans la prolongation de l'encyclique Laudato si'. Retour sur un propos engagé et militant du pape François.
Le pape François s'adresse d'emblée à "toutes les personnes de bonne volonté sur la crise climatique". C'est animé par une vive inquiétude qu'il a pris sa plume une nouvelle fois. "Je me rends compte au fil du temps que nos réactions sont insuffisantes alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture", écrit-il dès la première page de ce document, qui en compte une bonne vingtaine. Le fait que l'enjeu de cette problématique relève de la dignité humaine justifie son intervention.
Des compagnons devenus victimes
Pédagogue, le souverain pontife détricote les assertions selon lesquelles il n'y aurait pas de réchauffement climatique. La cause humaine des changements est pour lui indéniable : "les énormes changements liés à l’intervention effrénée de l’homme sur la nature au cours des deux derniers siècles". Evoquant les océans, le pape pose un constat sans appel : "les autres créatures de ce monde ont cessé d’être nos compagnes de route pour devenir nos victimes". Il y va à présent de notre "responsabilité face à l’héritage que nous laisserons de notre passage en ce monde".
En quête d'harmonie
"La vie humaine, l’intelligence et la liberté sont insérées dans la nature qui enrichit notre planète, elles font partie de ses forces internes et de son équilibre", considère le pape François. Et d'ajouter qu'un environnement sain présuppose une interaction équilibrée et harmonieuse de l'homme avec son environnement. Mais le danger est là : "notre pouvoir et le progrès que nous générons se retournent contre nous-mêmes".
Des mensonges en masse
Sans langue de bois, François s'en prend aux influenceurs qui illusionnent les autres et trompent la réalité : "La décadence éthique du pouvoir réel est déguisée par le marketing et les fausses informations". Et les plus démunis de se laisser tenter par des tentations alléchantes : "étourdis et enchantés par les promesses de si nombreux faux prophètes, les pauvres eux-mêmes tombent parfois dans la tromperie d’un monde qui ne se construit pas pour eux". Verdict sans appel alors que la Maison commune est souillée de toutes parts.
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Et alors ?
Le multilatéralisme des Etats au secours des individus doit être privilégié, selon le pape, afin d'éviter que ne s'imposent "des circonstances politiques changeantes ou des intérêts de quelques-uns". Et le souverain pontife de privilégier "les revendications qui émergent d'en bas partout dans le monde". Rappelant l'encyclique Fratelli tutti, François enjoint, dans le même esprit, à ce que "l’éthique prime sur les intérêts locaux ou de circonstance". Réfléchissant aux évolutions du monde, il souligne encore la nécessité d'un cadre différent pour atteindre une coopération qui puisse être qualifiée d'efficace. Et d'aspirer à "l’initiation d’un nouveau processus de prise de décisions et de légitimation de celles-ci", à la suite du constat selon lequel "ce qui a été mis en place il y a plusieurs décennies n’est pas suffisant et ne semble pas efficace".
De conférence en conférence
Après un retour sur les (maigres) résultats obtenus par les différentes conférences portant sur le climat depuis celle de Rio de Janeiro en 1992, le pape François évoque l'urgence de ses attentes pour la Conférence des Parties (COP28) prévue aux Emirats Arabes Unis. "Nous devons cesser de sembler être conscients du problème, mais n’ayant pas, dans le même temps, le courage de faire des changements substantiels." Et de prévenir : "Si les mesures que nous prenons maintenant ont des coûts, ceux-ci seront beaucoup plus lourds si nous attendons encore plus longtemps." Redoutant une logique de "colmatage", le souverain pontife encourage à ne plus "isoler" des faits qui s'entrecroisent. Pour réussir le pari d'une prise de décisions historiques lors de la prochaine COP28, trois conditions doivent se trouver réunies dans les formes contraignantes de transition : l'efficacité, l'obligation et le contrôle. Il y va de la crédibilité de la politique internationale, estime encore le pape François.
En quête d'une réconciliation
Enfin, convaincu que "le paradigme technocratique nous isole de ce qui nous entoure", le pape invite les chrétiens à retrouver un "chemin de réconciliation avec le monde qui nous accueille". Et de conclure en expliquant le choix du titre de cette exhortation Louez Dieu : "’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même". Tout est écrit.
Angélique TASIAUX
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