La sensibilité n’est pas la sensiblerie ou la mièvrerie. Au contraire, son étymologie renvoie à ce qui peut être perçu par les sens et saisi par l’intelligence. La sensibilité désigne ainsi la faculté de tout être vivant d’éprouver des sensations physiques et donc la capacité qu’a l’homme d’interagir avec le monde. Par conséquent, loin d’être une tare ou un aveu de faiblesse, la sensibilité manifeste en fait une qualité, celle de pouvoir sentir, percevoir les choses, et de comprendre leur signification.
Face à des situations de crise, la sensibilité humaine peut être particulièrement active. Et c’est heureux! On a pu le constater notamment pendant la pandémie de Covid et maintenant par rapport à la guerre en Ukraine. Confrontée à la souffrance humaine, notre sensibilité est entrée en mouvement et elle s’est manifestée par des initiatives diverses et variées, allant de gestes simples (tels des applaudissements en faveur des soignants ou le port de vêtements aux couleurs du drapeau ukrainien) à des actions plus significatives.
C’est en ce sens que notre sensibilité est à présent sollicitée en faveur des réfugiés ukrainiens, sans toutefois ignorer tous les autres malheurs qui sévissent en Belgique et ailleurs dans le monde. Comment pourrait-on, en effet, se montrer insensible aux autres nécessités locales et urgences humanitaires mondiales? Celles-ci mobilisent notre pays à différents niveaux et à travers plusieurs organismes, notamment les CPAS, envers lesquels l’on peut être reconnaissant. En outre, l’engagement de nombreux citoyens en faveur des réfugiés et des personnes précarisées mérite d’être vraiment salué. Que de bonnes volontés au service de nos frères et sœurs en humanité rencontrant la souffrance en ses multiples visages!
La sensibilité révèle notre dignité
Cette sensibilité à la souffrance humaine inspire reconnaissance et elle fait honneur aux humains que nous sommes. La sensibilité ainsi expérimentée, révèle notre dignité profonde et notre grandeur d’âme. Elle montre ce pour quoi nous sommes fondamentalement créés, la raison même de notre existence ici-bas: interagir avec chacun, aimer et être aimé! Munis de sensibilité, nous sommes des êtres de relation destinés à aimer et à être aimés. Seul l’amour donne tout son sens à notre vie terrestre! Nous aimer nous-mêmes et aimer notre prochain fait toute la saveur de la vie sur terre. Toutes les sagesses du monde en conviennent. Il n’est dès lors pas étonnant que l’amour soit la valeur la plus universellement reconnue et désirée, souhaitée, recherchée…
La sensibilité, en tant que capacité à éprouver ce que vit l’autre et à entrer en relation avec lui, conduit naturellement à aimer. En étant sensibles, nous nous ouvrons aux réalités qui nous entourent, nous nous laissons toucher par elles, empruntant ainsi le chemin de la relation, de l’interaction, du dialogue, de la fraternité et de l’entraide, autant dire: le chemin de l’amour. La sensibilité fait battre le cœur: grâce à elle, nous sentons avoir un cœur de chair, un cœur aimant. C’est donc assez naturellement que le cœur symbolise l’amour. Or, le véritable amour ne saurait en aucune manière être prisonnier ou enfermé: il ne peut que s’exprimer, s’extérioriser, se partager, s’incarner, s’offrir et se donner, non par des discours, mais par des actes et en vérité. Dès lors, répondons aux nécessités du temps par un surcroît de sensibilité, par un geste d’amour! Soyons sens-ibles!
Abbé Ionel ABABI,
prêtre du diocèse de Namur