Samedi 28 janvier, nous célébrions la mémoire du patron des philosophes. Quelle marque saint Thomas d’Aquin, qualifié d’apôtre de la vérité par Jean-Paul II, a-t-il laissé dans l’histoire et la théologie chrétiennes?

Thomas d’Aquin est devenu, quelques années après sa mort et jusqu’à aujourd’hui, LE théologien de référence pour l’Eglise catholique. Son originalité réside principalement dans une nouvelle compréhension des rapports entre foi et raison, donc aussi entre théologie et philosophie, connaissance de Dieu par la révélation et connaissance de Dieu par la raison naturelle.
Disciple de Dominique et d’Aristote
Né en 1225 à Aquino, près de Naples, Thomas d’Aquin appartient à l’une des plus importantes familles d’Italie. Il étudie d’abord la grammaire, les sciences naturelles, la science arabe et la philosophie grecque chez les dominicains de Naples.
À dix-neuf ans, il est reçu parmi les novices de l’ordre dominicain, malgré l’opposition de ses parents qui tentent de l’en empêcher. Il prononce ses voeux en 1243 et étudie à Paris, puis à Cologne.
Surnommé par ses condisciples « le grand boeuf muet de Sicile », Thomas fait preuve d’une éloquence qui séduit son maître. Ce dernier aurait alors prédit que « les mugissements de ce boeuf retentiront dans tout l’univers ».
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On pourrait dire que si saint Augustin a eu la volonté de « christianiser » Platon en l’introduisant dans ses théories religieuses, saint Thomas d’Aquin « christianisa » à son tour Aristote dont les écrits étaient alors redécouvert en Occident. Il étudie les textes du philsophe grec avec cette volonté d’harmoniser le savoir, la sagesse antique et la foi chrétienne. Et démontre qu’il n’y a pas de contradiction entre l’œuvre aristotélicienne et la Révélation mais surtout qu’il existe une harmonie naturelle entre la foi et la raison.
Thomas d’Aquin consacre les neuf dernières années de sa vie à la rédaction de sa grande œuvre, la Somme de théologie. Il meurt le 2 mars 1274 à quarante-neuf ans, en se rendant au concile de Lyon, où il a été convoqué comme expert.
L’avant et l’après Thomas d’Aquin
De son vivant déjà, la renommée de Thomas fait le tour de l’Europe, les papes, tour à tour, le sollicitent pour bénéficier de ses lumières. Mais pourquoi un tel engouement?
Avant Thomas, depuis saint Augustin au moins, le philosophe de référence était Platon et sa philosophie iédaliste. A partir de Thomas et grâce à lui, la philosophie réaliste d’Aristote devient la référence.
Thomas développe une vision optimiste qui réconcilie foi et raison en mettant les ressources de la raison au service de l’intelligence de la foi, au point de constituer la théologie en science véritable – science des choses divines construite à l’aide de raisonnements et de démonstrations conformes aux principes aristotéliciens.
Ces conceptions représentent une réelle nouveauté par rapport à la théologie qui précède, fondée tout entière sur Augustin et les autres Pères de l’Eglise. La théologie orthodoxe n’a jamais connu ce tournant « rationaliste » de la théologie.

Dieu est connu par la Nature et les Ecritures
Pour Thomas d’Aquin, Dieu peut être connu, de manière indirecte, par la raison naturelle : par l’observation du cosmos, Dieu peut être reconnu comme créateur. Par contre, Dieu ne peut être connu en lui-même (comme Trinité) que par la révélation transmise dans les Ecritures, donc par la foi. Mais foi et raison, chacune à leur niveau, cherche la même vérité, qui est Dieu.
La pensée théologique de Thomas d’Aquin repose sur deux axes fondamentaux : une confiance active en la raison et une référence permanente à la nature.
Foi et raison, théologie et philosophie, ne s’opposent donc pas, mais sont complémentaires, avec chacune sa méthode propre : la théologie est une science descendante : on part de ce que la révélation dit de Dieu pour descendre vers les créatures, la philosophie est une science ascendante : la raison part des créatures pour aller vers Dieu.
Dans le même sens, Thomas repense le rapport entre nature et grâce : la nature a été créé bonne par Dieu, et le reste malgré le péché originel. La grâce ne détruit pas la nature, mais la présuppose, et l’accomplit.
François rend hommage à Thomas d’Aquin
En septembre 2022, le pape François soulignait l’héritage essentiel de ce grand théologien du Moyen Age : «C’est précisément la foi et la raison, lorsqu’elles marchent main dans la main, qui sont capables de valoriser la culture de l’être humain, d’imprégner le monde de sens, de construire des sociétés plus humaines, plus fraternelles et, par conséquent, plus pleines de Dieu».
François admire aussi sa relation profonde avec Dieu, manifestée par exemple dans son adoration de Jésus dans sa présence réelle dans l’Eucharistie. «Nous savons qu’il était l’auteur de très belles hymnes eucharistiques encore utilisées aujourd’hui dans la liturgie de l’Église. Sa spiritualité l’a aidé à découvrir le mystère de Dieu, tandis que ses talents lui ont permis de le façonner par l’écriture».
Quelques citations (pour briller en société!) 💬🥂
Personne n’est juge en sa propre cause
Je crains l’homme d’un seul livre
En effet, il est plus beau d’éclairer que de briller seulement ; de même est-il plus beau de transmettre aux autres ce qu’on a contemplé que de contempler seulement.
S.D/ C.H.