ThéoBel – Charles Péguy, un chrétien atypique


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ThéoBel – Charles Péguy, un chrétien atypique
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
3 min

Marie Boeswillwald a consacré ses études universitaires à Charles Péguy. Co-autrice du livre "Comprendre Péguy", elle nous parle de la foi chrétienne de l’auteur. Celle-ci va imprégner toute son œuvre littéraire après sa "conversion". L’écrivain s’est attaché à sonder les mystères du Christ, et a voué une amitié particulière à sainte Jeanne d’Arc.

Pour Charles Péguy, les années 1907-1908, marquent un "retour" à la foi chrétienne. Qu’est-ce qui a mené Péguy à cette "conversion"?

Charles Péguy. Photo Eugène Pirou

Péguy a toujours refusé de se considérer comme un converti au sens strict du terme. Il n’a reçu pas reçu d’éducation catholique dans le cadre de sa famille, qui était républicaine et athée, mais il a été à l’école communale, où il a reçu des rudiments de catéchisme. A l’époque, comme il l’a dit lui-même, "nous portions la même affection à nos maîtres et nos curés". Plusieurs choses l’ont amené à redécouvrir la foi chrétienne. D’abord, Péguy était un homme extrêmement droit, qui s’est toujours battu pour un monde plus juste, et qui avait, comme il le dit lui-même, une la passion de la vérité. Sa véritable soif d’éradiquer la pauvreté et de créer une cité harmonieuse, dont nul ne serait exclu, portaient déjà en elles les valeurs chrétiennes.

Dans les années 1907-1908, il va connaître des épreuves qui vont fortement l’ébranler: il perd un ami proche, ce qui l’affecte énormément; à la suite de nombreux désabonnements à sa revue, il faut face à de graves difficultés financières, et a du mal à faire vivre sa famille. Moralement, il se rend compte que son entreprise très généreuse de "moralisation", comme il le dit lui-même, n’a pas eu du tout l’effet escompté. Bref, sur tous les plans, il est dans l’impasse. Il écrit alors lui-même: "Quand la détresse paraît, c’est la chrétienté qui revient", phrase qui illustre bien ce dont il fait l’expérience. Ses tribulations intérieures ont contribué à ce qu’il approfondisse cette voie d’un monde plus juste, sa recherche de la vérité, et de manière assez naturelle, cela le conduit à redécouvrir le catholicisme. A Joseph Lotte, un de ses amis, il écrit dans une lettre, datée d’avril 1908: "Je ne t’ai pas tout dit… J’ai retrouvé la foi… Je suis catholique...". Il a dit aussi avoir éprouvé un "grand épuisement d’espérance", qu’il lui a fallu traverser.

Qu’est-ce qui, par la suite, caractérise la foi de Péguy, qu’on qualifie parfois d’atypique?

Péguy est effectivement atypique, dans le sens où il ne se rattache à aucune chapelle. Il est un électron libre, qui restera au porche de l’Eglise. Ses enfants ne seront pas baptisés. A 24 ans, il s’était marié civilement, et par la suite il ne veut surtout pas brusquer sa femme, qui ne comprend pas réellement ce qui se passe chez son mari, même si elle le respecte. Mais en même temps, c’est un croyant qui a une conscience très aiguë de la Communion des saints. Il a une conscience vive d’un salut commun, qui devient comme un leitmotiv dans son œuvre: il faut se sauver ensemble; nul ne peut être chrétien sans se soucier du salut des autres… Il est très critique à l’égard de l’institution ecclésiale, en raison de son cléricalisme et de son moralisme, mais il reste néanmoins attaché à l’Eglise comprise comme une matrice, comme un lieu dont nul ne serait exclu. Et surtout, la foi de Péguy est christocentrée. Il va s’attacher au Christ, et à comprendre notamment le mystère de l’Incarnation, avec des intuitions très poétiques et très profondes. Sa foi est aussi marquée par des actes très concrets de confiance et d’abandon, comme par exemple quand il part en pèlerinage à Chartres, pour confier spirituellement sa famille à la Vierge Marie.

Propos recueillis par Christophe Herinckx

Catégorie : Culture

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