C’est une exclusivité mondiale que le pape a accordée, dimanche soir, à la télévision italienne. Durant 45 minutes, le Saint-Père a abordé des sujets aussi variés que préoccupants tels que les violences conjugales, la pandémie chez les jeunes et les prisons.

Le pape devant un panel de quatre citoyens « invisibles »
Le dispositif mis en place par la chaîne privée italienne TG5 n’avait rien d’une traditionnelle interview. Enregistrée à la Résidence Sainte-Marthe, l’émission « E Gli Invisibli » réunissait autour du pape François, non pas des journalistes, mais quatre «invisibles», des citoyens peu médiatisés mais au parcours de vie semé d’embûches.

La rencontre, coordonnée par le vaticaniste Fabio Marchese Ragona, a ainsi vu la participation de Giovanna, une mère de famille qui a perdu son emploi et dont la vie familiale est faite de violence; Maria, une femme sans domicile fixe; Maristella, une scoute de 18 ans que la pandémie a privée de toute joie et Pierdonato, un ancien condamné à perpétuité qui a purgé 25 ans de prison.
Les questions adressées au Souverain pontife durant ces trois-quarts d’heures d’entretien émanaient exclusivement de ces quatre citoyens rongés par le désespoir et la souffrance. L’occasion d’aborder, devant les caméras d’une grande chaîne nationale, des sujets divers et variés, liés à la violence, la pauvreté, les conséquences de la pandémie, ou la vie des prisonniers.
Le visage marqué par les coups et l’humiliation
Devant Giovanna, qui lui demandait comment parvenir à retrouver sa dignité après avoir échappé, avec ses enfants, à un quotidien rythmé par les violences conjugales, le pape a qualifié ce problème de la violence de «presque satanique».
Le nombre de femmes qui sont battues, maltraitées à la maison, même par leur mari, est très important. Ce problème pour moi est presque satanique.
Pape François
Une violence qui se répercute souvent sur les enfants. Cette vie de brutalité et de misère, les quatre enfants de Giovanna l’ont malheureusement vécue. Un témoignage devant lequel le pape François n’a pu cacher son indignation : «C’est humiliant, très humiliant. C’est humiliant quand un père ou une mère gifle un enfant au visage, c’est très humiliant et je le dis toujours, ne giflez jamais un enfant au visage. Pourquoi ça? Parce que la dignité est le visage. […] Une image me vient à l’esprit en entrant dans la basilique Saint-Pierre : la piété de la Vierge, la Vierge humiliée devant son fils nu, crucifié, un malfaiteur aux yeux de tous, c’est-à-dire la mère qui l’a élevé, totalement humiliée. Mais elle n’a pas perdu sa dignité ! Et regarder cette image dans des moments difficiles comme les vôtres d’humiliation et où nous avons l’impression de perdre notre dignité, regarder cette image nous donne de la force… »
L’exclusion des pauvres dans l’indifférence générale
A Maria, qui demande pourquoi la société est si cruelle envers les pauvres, François répond: «Tu parles de cruauté, c’est ainsi, c’est la gifle la plus dure que la société te donne, en ignorant le problème des autres… Nous entrons dans une culture de l’indifférence où nous essayons de nous éloigner des vrais problèmes, de la douleur des sans-abri, du manque de travail. Au contraire, avec cette pandémie, les problèmes ont augmenté car on frappe à la porte de ceux qui offrent de l’argent en prêt: les usuriers. Un pauvre, une personne dans le besoin, tombe dans les mains des usuriers et perd tout, parce qu’ils ne pardonnent pas. C’est de la cruauté par-dessus la cruauté, je dis cela pour attirer l’attention des gens et ne pas être naïf; l’usure n’est pas un moyen de résoudre le problème, l’usure vous apporte de nouveaux problèmes».
Un pauvre, une personne dans le besoin, tombe dans les mains des usuriers et perd tout, parce qu’ils ne pardonnent pas.
Pape François
Le pape a ensuite demandé à la femme si, lorsqu’elle trouve une personne plus mal lotie, elle va lui donner un coup de main. Et après la réponse affirmative de Maria, il a ajouté: «Lorsque vous souffrez, vous comprenez la profondeur de la douleur. Essayez toujours de regarder les problèmes en face, car il y aura toujours quelqu’un d’autre qui sera dans une situation pire que la vôtre et qui aura besoin de votre regard pour l’aider à avancer».
Dieu proche des prisonniers

Pierdonato a demandé au pape s’il y a de l’espérance pour les détenus qui veulent le changement. François a répondu par la phrase de la Bible: «L’espérance ne déçoit jamais». «Il y a Dieu, non pas en orbite, mais Dieu à côté de vous, car le style de Dieu est la proximité, la compassion et la tendresse… Dieu est avec chacun des prisonniers, avec toute personne qui passe dans la difficulté… Vous ne le dites pas mais vous savez dans votre cœur que vous êtes pardonné et que vous avez cet espoir qui ne déçoit pas… C’est pourquoi je peux vous dire une chose: Dieu pardonne toujours, Dieu pardonne toujours… Notre force réside dans l’espérance de ce Dieu qui est proche, compatissant et tendre, tendre comme une mère. Il le dit lui-même, et c’est pourquoi vous avez cet espérance. Merci pour votre témoignage».
Préférer le contact réel au virtuel
Maristella aborde la question des conséquences du Covid pour les jeunes et demande comment créer une relation saine faite de contacts et d’expériences. Le pape lui répond : «Durant le confinement, vous n’aviez pas de contact avec vos amis, avec votre famille parce que vous ne pouviez pas sortir et que l’école ne fonctionnait peut-être pas. Nous avons besoin de contact, de contact face à face, mais nous sommes tentés de nous isoler avec d’autres méthodes, par exemple, le contact par téléphone portable uniquement, les amitiés par téléphone portable, le manque de dialogue concret. Vous avez appris de cette situation que le dialogue concret ne peut être remplacé par un dialogue en ligne, qu’il y a quelque chose de plus».
À propos de l’habitude des enfants de devoir toujours utiliser leur smartphone, François ajoute encore : «Si vous voulez utiliser un téléphone portable, utilisez-le, mais ne supprimez pas le contact avec les gens, le contact direct, le contact d’aller à l’école ensemble, de se promener, d’aller prendre un café ensemble, le contact réel et non le contact virtuel. Parce que si nous laissons de côté le contact réel, nous finirons aussi par devenir liquides ou gazeux, sans consistance, toujours en ligne et la personne en ligne manque de tendresse».
Les vœux de Noël du pape
Après avoir entre autres abordé la problématique du rejet de nos parents et grands-parents, réaffirmé l’opposition totale de l’Église à la peine de mort, indiqué qu’il était sain pour un jeune de se mettre en colère contre Dieu tout comme un enfant peut être remonté contre ses parents, le pape a conclu la conversation par ses traditionnels voeux de Noël. Des voeux qui invitent le téléspectateur à fêter Noël comme il se doit, par des bons repas et en s’offrant des cadeaux, tout en gardant une place dans son coeur pour Jésus : « Qu’est-ce que Noël? C’est un arbre? Une statue d’un bébé avec une femme et un homme à côté? Oui, c’est Jésus, c’est la naissance de Jésus, arrêtez-vous un moment et pensez à Noël comme à un message de paix. Je vous souhaite un Noël avec Jésus, un vrai Noël.«
Regarder l’intégralité de l’entretien du pape François sur TG5 (en italien)
C. L. avec Vatican News