Un héros déchu ou comment l’acte désintéressé d’un prisonnier iranien va le conduire de l’admiration au lynchage public.
Après avoir tourné deux films internationaux, Le passé et Everybody knows, le réalisateur iranien Asghar Farhadi renoue avec son pays. Il quitte cette fois Téhéran et installe son action dans une petite ville du Sud-Ouest de l’Iran. En prison pour ne pas avoir honoré ses dettes, son personnage principal, Rahim, vient d’obtenir une permission de sortie. Il compte mettre à profit ces quelques heures de liberté pour rassembler une partie de l’argent qu’il doit à son créancier. Il pourrait alors, espère-t-il, obtenir une remise de peine.

dont les rouages empêchent les citoyens d’évoluer.
C’est là que le destin s’arrange pour lui faire une petite faveur. Sa compagne lui dit en effet avoir trouvé un sac à main rempli de pièces d’or. Ne voyant que son intérêt personnel, Rahim contacte son créancier qui refuse sa proposition, arguant qu’il veut la somme complète et qu’il en a marre de le voir se payer sa tête. Ce refus provoque chez Rahim une remise en question. Plutôt que d’insister, il essaye de retrouver la propriétaire du sac à main pour lui rendre ce qui lui appartient. Là encore, la chance est de son côté. La propriétaire récupère son bien et le directeur de la prison est informé de la bonne action de Rahim. Pour étouffer une affaire de suicides dans ses geôles, ce dernier contacte les médias pour répandre la nouvelle. Hélas, la rédemption de Rahim ne sera pas aussi facile qu’annoncé. La méfiance entretenue par les réseaux sociaux va rapidement faire basculer notre héros en menteur et mettre en péril ses perspectives de retrouver un jour sa place d’homme libre.
Des rouages rouillés
A travers cette fable politique, Asghar Farhadi dénonce une société dont les rouages empêchent les citoyens d’évoluer. Les dysfonctionnements de l’Iran sont donc une fois encore dans le collimateur du réalisateur.
Mais Un héros a sa place dans les sorties cinéma en Belgique car il permet de réfléchir de manière plus large aux différentes notions abordées. Il n’impose aucun point de vue, mais il initie le débat sur les réseaux sociaux, la bureaucratie, la peine de mort, l’hypocrisie. Comment en est-on arrivés à un monde où on met les personnes en prison pour une dette non acquittée?
Il questionne également ce qui construit les individus les uns par rapport aux autres, la notion de héros, bien sûr, en premier lieu. Le personnage de Rahim est d’ailleurs particulièrement intéressant. Avec son sourire enjôleur, il suscite rapidement notre empathie. On a envie de soutenir cet homme victime d’un système. D’un autre côté, son créancier, en doutant de son honnêteté, vient sans cesse remettre en question son statut de héros. Comme souvent avec Asghar Farhadi, on esquisse des réponses et on se forge notre propre opinion. L’honnêteté et les actes désintéressés sont remis en question et les possibilités de seconde chance semblent de plus en plus étroites.
Est-ce là les progrès de notre monde, interroge le film?
Elise LENAERTS