Cinéma – “Il y a des choses à faire pour améliorer la fin de vie”


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Cinéma – “Il y a des choses à faire pour améliorer la fin de vie”
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
4 min

Dans De son vivant, Emmanuelle Bercot raconte, avec une profonde humanité, le chemin d’un patient atteint d’un cancer incurable. Entretien avec la réalisatrice française.

Comment est né De son vivant?

Au départ, l’idée, c’était d’écrire un mélo pour Catherine Deneuve et Benoît Magimel sur une mère qui perd son enfant. J’avais envie de parler du cancer parce que c’est quelque chose qui nous touche malheureusement tous. C’est en rencontrant le docteur Gabriel Sara et en m’intéressant à son travail que le film a pris une tout autre direction. J’ai finalement mêlé mon projet de départ avec le travail de ce médecin. C’est devenu un film sur comment accepter et comment aller vers une mort certaine. Benjamin, le personnage de mon film, est condamné. Il a quelques mois devant lui et il le sait. La question est alors de savoir comment y aller de la façon la plus paisible possible quand on est entouré de gens d’une grande humanité et d’une grande empathie.

Parlez-nous de ce médecin qui joue son propre rôle dans le film

Il y a sa personnalité d’abord. C’est la personne la plus chaleureuse que j’ai jamais rencontrée de ma vie. C’est quelqu’un qui est extrêmement tourné vers les autres, il a une joie de vivre qui fait vraiment du bien. Par ailleurs, il a cette vision de la médecine qui est particulière, un peu à l’ancienne. Il refuse d’entrer dans le jeu de la rentabilité. Il prend énormément de temps avec ses patients. Tout le monde a son portable, on peut l’appeler n’importe quand. Pour lui, chaque patient est un individu. Je l’ai vu faire et on sent qu’il élabore toute sa stratégie en observant le patient, sa famille. C’est assez rare parce que maintenant il y a un tel souci de rentabilité qu’on ne prend plus le temps. Par ailleurs, au-delà de sa mission médicale, il a une mission presque philosophique, je dirais, presque métaphysique, spirituelle, d’accompagnement de son patient. C’est ce que raconte le film, il s’implique dans l’histoire personnelle du patient jusqu’au bout. D’ailleurs, il dit à Benjamin: "On fera le chemin main dans la main, je marcherai avec vous."

L’accompagnement de la famille est lui aussi essentiel.

Le docteur Sara le dit dans le film: les soignants doivent être auprès du malade mais aussi auprès de la famille. C’est difficile parce que les gens ont tendance soit à être dans le déni soit à résister. Certains proches sont très lourds à accompagner, parce qu’ils sont en résistance, en colère.

On le voit également discuter autour d’un petit-déjeuner puis chanter avec son équipe. Ce sont des choses que vous avez observées?

Il y a pas mal de représentations du personnel soignant qui est débordé, qui ne compte pas ses heures, qui est exténué, au bout du rouleau. En revanche, on ne sait pas toujours que derrière ça ils ont une parole à libérer, des émotions très fortes à soulager, que c’est très dur. Ils sont confrontés à des choses très violentes tous les jours. Le docteur Sara a instauré dans son service ces petits-déjeuners pour que chacun puisse déverser ses souffrances, ses chagrins et ses difficultés. Comme j’ai assisté à ces scènes, je tenais à ce qu’elles soient dans le film parce que ce n’est pas seulement l’histoire de Benjamin, c’est aussi l’histoire de ceux qui l’accompagnent et ça rejaillit sur eux.

Quelles sont les réactions du public?

Ce qui me touche beaucoup, c’est de voir les gens à la fin du film me dire: "Si je suis malade un jour, je veux avoir le même médecin (que celui du film-NDLR)." C’est terrible, ça prouve que personne n’a le sentiment d’être écouté, d’être entouré par son médecin. C’est qu’il y a un souci. Cependant, je voudrais quand même ajouter que je sais qu’il y a plein de services où il y a des médecins exceptionnels et un travail de cette nature qui est fait en soins palliatifs ou en service de cancérologie. Mais il faut que ça se répande. Je sais que le film est une tribune pour le docteur Sara, ça lui tenait à cœur de faire passer l’idée qu’il y a des choses à faire pour améliorer la fin de vie des gens. La médecine, ce n’est pas seulement soigner. Il le dit dès le départ qu’il ne peut pas le soigner. Il va lui permettre de vivre le peu qu’il lui reste de la meilleure des façons.

Propos recueillis par Elise LENAERTS

Catégorie : Culture

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