Au XIVe siècle, une femme a osé sortir du silence et se battre pour faire respecter ses droits. Le dernier duel nous raconte cette histoire.
On ne compte plus les grands films réalisés par Ridley Scott. A 83 ans, le réalisateur de Alien, Gladiator, Robin des bois, Blade runner, Seul sur Mars et tant d’autres n’a pas encore dit son dernier mot. Il revient, avec Le dernier duel, à un genre qu’il maîtrise amplement: le film historique. Il a pour cela été épaulé par Ben Affleck, Matt Damon et Nicole Holofcener qui ont travaillé ensemble à l’adaptation de l’ouvrage Le dernier duel: Paris, 29 décembre 1386 d’Eric Jager. Comme l’indique très précisément le titre, nous remontons le temps, pour débarquer à l’époque des chevaliers. Des lances et des épées se croisent sur un champ de bataille, au milieu duquel on retrouve Jean de Carrouges et son ami, Jacques Le Gris. La mise en scène de Ridley Scott donne le ton, cette aventure sera épique et grandiose. Elle sera aussi purement passionnante et étonnamment moderne.
Ces deux valeureux guerriers étaient donc bons amis, jusqu’à ce que de petites vexations amenuisent progressivement leur camaraderie. Jean de Carrouges, habile chevalier marié à la noble Marguerite, n’a d’abord pas apprécié que Jacques Le Gris, écuyer très apprécié à la cour, lui subtilise les terres faisant partie de la dot de sa femme. Mais un affront bien plus grave va venir briser définitivement l’amitié des deux hommes, les transformant en ennemis redoutables. En l’absence de Jean de Carrouges, Jacques Le Gris a pénétré de force dans son château pour abuser de son épouse. Marguerite, plutôt que de garder ce traumatisme secret comme bien d’autres avant elle, a choisi de se confier à son époux. Fou de rage,
celui-ci provoque l’agresseur en duel, plaçant ainsi leurs destinées entre les mains de Dieu.
Trois regards croisés
Le dernier duel va donc beaucoup plus loin qu’un simple film de chevaliers. L’origine de ce duel historique permet d’aborder la question de la place de la femme au XIVe siècle. Il met en lumière le courage de Marguerite qui a brisé le silence et osé tenir tête à des hommes qui tenteront sans cesse d’amenuiser son témoignage. Jodie Comer qui incarne Marguerite est, à ce propos, une véritable révélation. Elle est à tout point de vue parfaite dans le rôle, à la fois chamboulée par ce qu’elle a subi et déterminée à faire entendre sa voix. Ce film, à la reconstitution historique soignée, tant dans les décors que les costumes, provoque le débat, en opposant différents regards.
L’autre originalité se situe en effet dans la construction du récit. Plutôt que de proposer une histoire linéaire avec un seul angle, les trois scénaristes ont choisi de nous livrer les versions de Jean de Carrouges, de Jacques Le Gris et de Marguerite. Au fur et à mesure, nous découvrons toutes les facettes de l’affaire, sans que ce ne soit redondant. Grâce à son sujet, Le dernier duel fait réfléchir sur nos façons de penser et fait écho aux affaires de harcèlement que nous connaissons encore aujourd’hui. Il montre le chemin parcouru, tout en attirant l’attention sur le fait que la bataille pour l’égalité des droits humains est loin d’être terminée.
Elise LENAERTS