OPINION : La richesse du dialogue inter-religieux


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OPINION : La richesse du dialogue inter-religieux
Par La rédaction
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Les catholiques dédient le mois de septembre à rendre grâce à la Création. Au même moment, les juifs célèbrent la création du monde, temps liturgique très intense. Sachant cela, Philippe de Rosen relève en quoi ce temps de grâce relie les deux cultes, et surtout les deux peuples.

Dans son dernier livre "Foi et Religion", Mgr De Kesel écrit: "Maintenant que l’Eglise vit dans une culture sécularisée, et multi-religieuse, nous considérons notre relation à la société autrement et nous prenons nos distances avec toute forme de reconquête. Nous avons pris conscience de notre profonde parenté avec le judaïsme, nous vivons en dialogue et en pleine amitié avec les autres religions et ceux qui sont en recherche. Nous nous sentons solidaires de ceux qui œuvrent pour une société plus humaine et plus solidaire. Alors qu’initialement nous considérions les changements de ce temps comme une menace et un obstacle, nous avons appris, comme le Concile l’a demandé, à comprendre les signes des temps. Dieu est capable de faire du temps présent un temps de grâce"

Le pape François nous a proposé de faire de ce mois de septembre un "Mois pour la Création". Au cours de ce mois, nos frères Juifs fêteront un temps liturgique très intense. Nous pouvons très bien les rejoindre dans leur vécu.

"On peut se demander, vu l'importance de Sukkot (du 20 au 29 septembre 2021) dans le judaïsme, pourquoi cette fête n'a pas laissé de traces dans le cycle liturgique chrétien. Une raison pourrait être celle-ci: le mystère pascal du Christ - mort, résurrection, glorification, don de l'Esprit - exprime la plénitude eschatologique annoncée par anticipation à Sukkot. Mais si l'accomplissement, loin d'abolir les racines, les affirme et les confirme, la fête de Sukkot, telle que les juifs continuent de la célébrer, n'a-t-elle plus rien à dire?"

Les fêtes de Sukkot sont précédée par la Rosh ha Shana (Tête de l’année ou nouvel-an juif, les 7 et 8 septembre). Il s'agit de la fête de la création du monde: à l’exemple des Juifs ne pouvons-nous pas accueillir, avec raison, cette interpellation de la part de Dieu: "Je vous ai placé comme gérants de ce monde: qu’en avez-vous fait?" Avec eux ne pourrions-nous pas entrer dans les "10 jours terribles" qui suivent, puisque nous constatons que Dieu, le Créateur, aurait 1001 raisons de se mettre en colère pour notre mauvaise gestion. Mais, comme le dit la Bible par l’histoire de Noé, Dieu a juré de ne jamais plus anéantir cette belle création: il patiente, fait miséricorde et croit que l’homme est capable de se convertir. C’est pourquoi ces 10 jours aboutissent à la fête du grand pardon, Yom Kippour (qui aura lieu le 16 septembre prochain). Celui qui nous apprendra et nous guidera dans notre conversion à une meilleure gestion, c’est le MESSIE. Pour préparer et acclamer celui qui VIENT nous sauver, les Juifs fêtent alors Sukkot, la fête des tentes. Et nous, ne disons-nous pas au cours de chaque Eucharistie: "Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta VENUE dans la gloire!"

Quelle est notre attente, en vérité ?

La petite sukkah, construite dans leur jardin, dans laquelle les Juifs célèbrent les 8 jours de la fête n'enrichit-elle pas la compréhension de notre situation d'étrangers et de voyageurs sur cette terre, en marche vers leur patrie?

En lien avec la gloire, la nuée, la lumière (éléments de la fête liturgique) ne permet-elle pas d'appréhender avec une nouvelle profondeur la scène de la Transfiguration du Seigneur? En effet, dans cette scène d'anticipation eschatologique, Jésus apparaît transfiguré et les disciples, recouverts par la nuée lumineuse, voudraient bien dresser trois sukkot (tentes). Moïse et Elie, la Torah et les Prophètes sont là comme témoins, et cela se passe six jours (selon Matthieu) ou huit jours (selon Luc) après...

Les évangélistes ont-ils voulu laisser pressentir que ce qu'annonce la fête de Sukkot est arrivé en la personne de Jésus, dont la scène de la Transfiguration anticipe la glorification? Alors on comprend le désir de Pierre qui voudrait bien éterniser cet instant en dressant les sukka dont on saisit mieux tout le poids de signification en référence à la nuée qui n'est autre que la Présence même de Dieu.

Le saule et les hoshannot ne donnent-ils pas une signification supplémentaire à l'entrée de Jésus à Jérusalem ? On la dit "triomphale"; l'aspect de supplication de hosha-na, qui maintient le "déjà" dans le "pas encore" a aussi son importance.

Alors que les récits évangéliques situent l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem quelques jours avant sa Passion, les exégètes s'accordent pour placer cet événement dans le cadre de la fête de Sukkot. Jésus est acclamé par les foules comme le Roi-Messie; on l'accueille avec des branchages et même avec des branches de palmier qui sont le lulav (branchages) de Sukkot. Aux accents de "Hosha-na , béni soit celui qui vient au nom du Seigneur", il est significatif que Mathieu ajoute Hosha-na au fils de David, ce qui correspond bien aux accents messianiques des hoshannot.

Les évangélistes auraient placé cette scène immédiatement avant la Passion, pour exprimer leur foi: Jésus, dans son mystère pascal, accomplit la plénitude annoncée par la fête de Sukkot. Finalement celle-ci se trouve en plusieurs endroits du Nouveau Testament. Et il semble que les évangélistes en avaient si bien compris la portée qu'ils en ont placé les éléments là où ils pouvaient le mieux manifester leur dimension théologique.

Enfin l'Apocalypse qui révèle ce qui va venir (et qui n'est pas encore venu) introduit dans une liturgie céleste où sont présents Israël et les nations. Les vieillards vêtus de blanc, des palmes à la main, acclament celui à qui revient le salut. Ils se trouvent nuit et jour dans le Temple et il est dit que le Seigneur étendra sur eux sa tente.

"Jamais plus ne les atteindra la faim ni la soif, ni le soleil ni le vent brûlant. L’Agneau, qui est aussi pasteur, les conduira vers les sources des eaux de la Vie". "Désormais, le salut est là pour tous, Israël et les nations: Sukkot est et sera accomplie." Et nous pouvons trouver une trace de tout cela dans notre missel du Sanctoral: le 6 août nous célébrons la Transfiguration et 40 jours après, le 14 septembre, la fête de la Croix Glorieuse. Notre Eglise Occidentale a perdu la solennité de cette fête, mais pas l’Eglise Orientale: nous pourrions appeler ce temps: le carême de l’été !

Toutes les paroisses se remettent en route au mois de septembre pour une nouvelle année pastorale. Mettons nous en route, comme le peuple d’Israël, vers la construction d’un monde nouveau, une "terre promise" pour toutes les nations.

Quelle richesse que le dialogue inter-religieux, et surtout avec nos frères aînés dans la foi!

Philippe de Rosen

Le titre est de la rédaction

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