Dix ans après son lancement, le "Programma Toekomst Parochiekerken" (programme pour l'avenir des églises paroissiales) connait un coup d'accélérateur, rapporte le Standaard du mardi 17 août. Réaffecter un édifice religieux pour une activité commerciale n'est désormais plus tabou. Monseigneur Bonny, évêque d'Anvers, a réagi par voie de presse ce mercredi 18 août.
C'est la question financière que le quotidien aborde en premier lieu. La Flandre compte 1786 églises et le budget pour les entretenir se compte en millions d'euros. Il y a dix ans déjà, le ministre compétent NV-A Geert Bourgeois estimait que ces dépenses étaient de plus en plus difficiles à défendre alors que la société se déchristianisait. Suite à ces déclarations, les autorités religieuses avaient dressé la liste des édifices dont ils ne voulaient pas se séparer. Fin 2021, ce sont 181 églises qui auront ainsi été désaffectées. Un mouvement que le gouvernement flamand aimerait voir encore s'accélérer.
77% des bourgmestres sondés sont favorables aux réaffectations d'églises
C'est pourquoi l'actuel ministre du Patrimoine immobilier Matthias Diependaele (NV-A) et son collège des Affaires intérieures Bart Somers (Open VLD) travaillent ensemble à l'élaboration d'un nouveau plan. Tout en respectant le passé et la fonction originelle de ces édifices, les deux ministres souhaitent leur attribuer de nouvelles fonctions ou autoriser d'autres fonctions à côté du culte. Selon un sondage, 77 % des 116 bourgmestres interrogés (sur un total de 300) souhaitent affecter leurs églises à d'autres fonctions, 70% envisageraient même une complète réaffectation. De cette enquête, quelques signaux sont intéressants à décrypter.
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Accueillir une activité commerciale dans une église n'est plus un tabou
Une occupation commerciale de ces édifices ne serait désormais plus taboue. Même si la majorité des répondants s'expriment en faveur d'une fonction récréative (68%) ou socio-culturelle (54%) qui s'inscrit dans une forme de continuité avec le précédent usage spirituel des lieux. Les bourgmestres ont également manifesté leur intérêt pour un usage commercial (47%) ou l'aménagement de logements (34%).
Les différentes autorisations qui ont été octroyées ces derniers temps montrent que l'option d'un lieu de rencontres reste la solution privilégiée: lieux culturels, bibliothèques, écoles. L'article de notre confrère cite également quelques exemples frappants: une église transformée en salle de sport, en école de cirque, en lieu de camping ou encore en planetarium. Certaines églises accueillent désormais aussi des activités commerciales comme un marché local ou une brasserie, rien d'étonnant dans un pays comme le nôtre, souligne le journaliste.
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L'article aborde également les difficultés rencontrées par certains bourgmestres, désireux de voir ces édifices religieux affectés à d'autres activités, ils rencontreraient des résistances de la part des autorités ecclésiastiques. La majorité affirme que la réaffectation des édifices religieux est un processus lourd, long et qui coute cher. C'est pour cette raison qu'ils peuvent demander à recevoir du soutien via le "Programma Toekomst Parochiekerken". L'Union des Villes et Communes Flamandes et le centre de patrimoine religieux Parcum ont reçu pour mission d'accompagner ce programme.
Des conditions plus strictes pour l'obtention de primes et du statut de protection
Le bureau d'études, qui conseille les communes en cette matière, a vu son budget augmenter à 210 000 euros. Le Ministre Diependaele compte lancer deux appels thématiques pour l'obtention de primes de restauration pour une enveloppe de 15 millions d'euros. Celui qui souhaite recevoir un subside en vue d'une restauration d'église, devra obligatoirement présenter un plan détaillé de son projet. Le gouvernement flamand souhaite que l'accent soit davantage mis sur la valeur historico-culturelle, la situation physique du bâtiment et les futures occupations envisagées.
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La Flandre arbitrera les dossiers concernant les édifices religieux de manière plus stricte. Les églises avec une haute valeur patrimoniale sont plus difficiles à réaffecter. Mais lorsque ce n'est pas le cas, le dossier devrait pouvoir être accéléré. Le ministre Diependaele vérifiera que les églises classées méritent de conserver leur statut. Actuellement, 664 églises paroissiales en bénéficient.
Mgr Bonny réagit : "Le christianisme n'est pas à vendre"
Mgr Bonny a souhaité réagir ce mercredi 18 août par voie de presse. Pour faire entendre la voix des autorités religieuses, l'évêque d'Anvers relève trois points critiques dans l'article du Standaard sur les réaffectations d'églises.
Le plan pastoral est prioritaire
Mgr Bonny déplore en premier lieu que le plan pastoral ne soit évoqué nulle part dans la note du gouvernement flamand, une seule mention en fin de document et de surcroit négative ; l'usage religieux est perçu par les autorités communales comme un obstacle à une réaffectation. "Si ce langage est acceptable lorsqu'il s'agit de réaffecter une gare, un cinéma ou un théâtre, il ne l'est pas quand il s'agit d'une église" affirme Mgr Bonny.
Les évêques continueront de défendre les églises comme des ensembles architecturaux sacrés et de ce fait méritant notre respect, même dans le cas d'une réaffectation, souligne l'évêque. "Les églises sont tout d'abord construites et dévolues à l'usage des communautés chrétiennes." Le plan pastoral ne peut donc être vu comme négatif et doit occuper une place de choix dans tout projet paroissial. Il est un critère essentiel à prendre en compte tant par les autorités communales que religieuses.
Un pas trop loin
Ensuite, Mgr Bonny souhaite revenir sur la nécessité pour chaque église de se voir attribuer un nouveau profil de réaffectation. Or, depuis dix ans, paroisses, unités pastorales, vicariats et évêchés ont collaboré avec le gouvernement flamand pour établir un plan paroissial pour chaque commune. Un travail qui fut mené avec le plus grand sérieux. Vouloir remettre tout ce labeur en cause n'est pas raisonnable et, dans beaucoup de cas, inutile, puisque de nombreuses églises ne verront pas leur affectation évoluer sur le long terme.
Aussi les chiffres annoncés dans l'article sont, regrette Mgr Bonny, incomplets et peu nuancés. Les communautés chrétiennes et leurs dirigeants ne peuvent servir de "balle politique" que se renverraient les partis après des élections. La proposition d'élaborer à nouveau des profils de réaffectations pour chaque église, c'est un pas de trop auquel les évêques disent clairement "non", conclut l'évêque d'Anvers.
Pas à n'importe quel prix!
Pour terminer, Mgr Bonny aborde la question de l'usage commercial qui pourrait être affecté à certains édifices religieux. Jusqu'à présent, note l'évêque, les autorités religieuses, et en de nombreux endroits, les autorités communales, ont résisté à la pression des secteurs privés et commerciaux quand il s'agissait de réaffecter des églises. Si demain, l'on autorise diverses activités lucratives à s'installer dans les édifices religieux, où placera-t-on la limite? "Un supermarché, une salle de sport, une brasserie, un restaurant, un refuge pour animaux, une marque de vêtements, un théâtre, et pourquoi pas bientôt un "bordel"." Là aussi les évêques refusent de s'engager sur cette voie.
Toutefois, si des exceptions restent envisageables, poursuit Mgr Bonny, le respect de la sacralité des édifices religieux doit l'emporter. Par respect aussi pour notre religion et notre foi. "Le christianisme n'est pas à vendre." Ce à quoi l'évêque d'Anvers ajoute: "Ce que les Juifs ne peuvent accepter pour une synagogue, les musulmans pour une mosquée ou les francs-maçons pour une loge, les chrétiens ne peuvent le tolérer dans une église." Enfin, par fidélité à la tradition chrétienne qui a toujours placé le social avant le privé, le non-profit avant le profit, l'intérêt commun au-dessus des intérêts particuliers. L'Eglise accepte de dialoguer mais pas à n'importe quel prix, conclut Mgr Bonny.
S.D. avec De Standaard