La Belgique n'est pas la seule à être confrontée à la problématique de désaffectation des églises. Pour élargir le débat, intéressons-nous aux diverses réflexions entamées et partagées dans le monde catholique francophone. De la France à la Suisse en passant par le Québec.
De réflexion en réflexion
Fin octobre 2016, avait lieu près de Lyon un colloque international d’architectes sur la thématique de l’« avenir des églises ». L’un des participants français, enseignant à l’École nationale supérieure d’architecture de Lille, constate qu’ « Il y a, notamment dans les pays anglo-saxons et ceux du Benelux, un accroissement des investissements privés, y compris de la part de promoteurs immobiliers, qui s’approprient ce qu’ils perçoivent comme de nouvelles opportunités foncières ».
En Allemagne, certains bureaux d’architectes se sont spécialisés dans la reconversion d’églises depuis dix ans déjà comme l’agence Prinzemetal de Gerald Klahr. Il explique que « Les églises demeurent des repères identitaires. Dans bien des cas, il s’agit du dernier espace public quand les écoles, les restaurants et les magasins ont fermé. » Il travaille actuellement sur un projet de lieu de vie collective (café, salle de réunion) pour l’église de Ludwisburg (Stuttgart). En Italie, un columbarium a été aménagé dans une église, alors même que les cimetières sont relégués toujours plus loin des villes.
Toutefois, la question divise toujours la profession, certains considérant l’église comme un volume permettant tout, d’autres restant attachés à l’idée d’une permanence de la sacralité du lieu.
En mars 2017, lors d’un autre colloque organisé à Paris, le groupe de travail sur les églises, présidé par Mgr Jacques Habert, évêque de Séez (Orne), et mandaté par la Conférence des Évêques de France (CEF), animait une conférence sur « l’avenir des églises ». Le message était le suivant : appeler les chrétiens à se réapproprier le patrimoine pour replacer celui-ci « au cœur d’un dialogue avec le monde de la culture et les élus ». L’occasion aussi de tordre le cou à l’idée reçue que des milliers de paroisses seront désaffectées dans les années à venir. D’après les derniers chiffres officiels de la CEF, publiés en septembre 2016, sur les 42 000 églises et chapelles paroissiales que compte la France, 140 églises de propriété communale ont été laissées à l’abandon et 115 églises diocésaines ont été vendues depuis 1905. Le phénomène reste donc très marginal.
Un bel exemple de reconversion est celui de l’église Saint-Gérard, à Tourcoing, bientôt transformée en cité de l’artisanat suite à un accord conclu entre le diocèse de Lille et un ancien compagnon charpentier, ayant acquis le bien.
Un colloque, organisé le 25 août 2017 à l’Université de Berne, a également fait le tour de la question. La dizaine d’intervenants en est arrivé à la conclusion unanime que l’accélération du phénomène peut être vu comme une opportunité d’ouverture, plus que comme un constat d’échec.
En Suisse, près de 200 lieux sacrés – dont une septantaine de catholiques – ont fait l’objet, ces vingt-cinq dernières années, d’une reconversion. Le but de ce colloque était de dessiner les contours d’une procédure standardisée qui n’existe pas en Suisse, où la désaffectation d’église génère aussi des tensions.
Certains bâtiments sont régulièrement loués par les paroisses, souvent pour des événements profanes ; les revenus engendrés ont permis d’améliorer la situation financière de la paroisse et de redynamiser la vie communautaire.
Les intervenants au colloque se rejoignent également sur l’idée que les bâtiments religieux soient, dans la mesure du possible, réaffectés en des structures qui servent des objectifs “élevés”, tels que l’art, la culture ou l’aide sociale, pour en respecter la fonction première. Cette exigence de respect de l’esprit des lieux a été récurrente lors du colloque. Les participants ont également insisté sur le fait que ces réaffectations ne sont pas forcément synonymes d’échec ou de recul du religieux dans la société. Certains projets permettent de revenir à l’église par “une autre porte”.
Au Québec , la raréfaction des fidèles et le coût de fonctionnement et d'entretien semblent menacer de fermeture les quelques 2.200 lieux de culte actifs, selon un chercheur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Selon une enquête universitaire canadienne de 2010, plus de 240 églises ont été vendues à Montréal - dont 70 ont été démolies - depuis le début du XXe siècle. Au Québec, les églises sont la propriété des paroisses. Et lorsque ces dernières fusionnent ou ferment, les premières se retrouvent en vente.
A Montréal, les lieux de culte fermés par les traditions religieuses historiques sont, dans 60% des cas, cédés à de nouvelles traditions issues de l’immigration, surtout évangéliste. Pour ces groupements religieux, cette solution n’est que transitoire dans l’attente de pouvoir construire leur propre lieu de culte. Certaines églises abritent aussi des magasins ou des centres de bien-être.
Depuis 2002, l’organisme Chic Resto Pop occupe l’église Saint-Mathias-Apôtre, dans le quartier populaire Hochelaga-Maisonneuve. Cette entreprise d'insertion sociale sert chaque jour plus de 1.400 repas dans la nef de l'église transformée en cantine populaire.
Pour retrouver l'intégralité du dossier sur la désaffectation des églises en Belgique "Danger ou opportunité?", consulter le numéro 35 du journal Dimanche du 8 octobre 2017.
Sophie Delhalle