A l'occasion de son 25e anniversaire, le Service interfédéral de lutte contre la pauvreté vient de publier un rapport bisannuel. Réaction à sa présentation le 11 décembre. (*)
Tout le monde sait que le changement climatique affecte en premier lieu, partout dans le monde, les plus défavorisés. Mais pas de chance: les premières mesures prises en Belgique pour lutter contre le changement climatique sont défavorables aux plus démunis. Et le seront encore, si l’on n’y prend garde. C’était le message central de la conférence organisée par le Service interfédéral de lutte contre la pauvreté, à l’occasion de la publication de son dixième rapport bisannuel consacré, comme à chaque parution, à une problématique spécifique. S’ajoutent à ce constat une conjoncture défavorable, des contraintes budgétaires et la coopération de plus en plus difficile entre les entités politiques belges responsables. Le Service s’en inquiétait puisque sa démarche s’appuie sur un Accord de coopération (1999) conclu entre le niveau fédéral et les régions, dont l’application était placée sous l’autorité d’une conférence interministérielle qui devrait se réunir au moins deux fois par an.
La durabilité face à la pauvreté
Le rapport établit des constatations et fait des recommandations issues d’une concertation exemplaire - et reconnue comme telle à l’étranger - avec plus de cent organisations "du terrain" et des personnes en situation de pauvreté. Le rapport argumente sur le thème que durabilité et pauvreté sont deux faces d’une même urgence. Pour les plus pauvres, la misère permanente est leur expérience de la durabilité. Et les difficultés ne s’allègent pas. Une lutte durable doit, sur les deux fronts, s’attaquer aux causes structurelles des préoccupations en jeu. Mais il faut se rendre à l’évidence selon laquelle les personnes en situation de pauvreté n’ont pas la possibilité d’intervenir comme d’autres dans la lutte climatique, en raison de dépendances diverses qui échappent à leur contrôle ou volonté, comme le fait de vivre dans un logement social qui n’est pas le leur. Ils ne peuvent pas, non plus, profiter des incitants mis en place. La concertation intervenue dans la préparation du rapport a insisté pour que les inégalités (en droit et de situation) soient appréhendées dans les deux luttes ainsi mises conjointement en perspective. Les situations de pauvreté devraient être considérées comme point de départ et pierre d’angle de la réalisation des droits fondamentaux de chacun.
La pauvreté, une atteinte aux droits
Le Mouvement international ATD Quart Monde, bien connu en Belgique, ne cesse de dire tout cela depuis sa création. Il s’était battu pour la création d’un tel Service. La coordination des politiques pertinentes est également au centre du Droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale qui est promu dans la Charte sociale européenne (article 30). Dans son interprétation de cet article, le Comité européen des droits sociaux, chargé du contrôle de l’application de la Charte par les gouvernements qui l’ont ratifiée, insiste sur des mesures de gouvernance, et leur évaluation régulière, conçues avec les personnes elles-mêmes vivant en situation de pauvreté. Et pourquoi pas aussi avec les enfants? Les deux délégués belges aux droits de l’enfant ont souligné que la pauvreté est une lourde atteinte aux droits de l’enfant dans quasiment tous les domaines. L’approche par les droits est essentielle pour eux aussi.
Coorganisé avec la Fondation Roi Baudouin et en présence d'au moins 700 participants, un colloque a suivi la présentation du rapport et a mis en lumière les cinq éléments à prendre en compte dans un bilan de tout ce travail d’un quart de siècle: l’importance fondamentale de l’ancrage dans les droits de l’homme, comme les droits au travail, au logement, à un revenu décent; l’importance de la poursuite d’une action professionnelle et empathique, comme celle en cours, capable de rédiger des propositions opérationnalisables par les pouvoirs publics. Le taux de pauvreté augmente: comment maintenir un momentum politique pour la lutte contre la pauvreté, en dépit de la dispersion des compétences? Le développement du réseautage et la mobilisation dont témoignaient les deux conférences devraient y contribuer. Continuer à faciliter l’accès aux droits sociaux par différentes mesures (tout en réduisant la fracture numérique au lieu de l’ajouter aux problèmes). Au niveau local, soutenir les initiatives qui facilitent l’implication des défavorisés dans les projets qui les concernent.
François VANDAMME
(*) Titre, chapeau et intertitres de la rédaction.