J’étais près d’un groupe d’ados qui jouaient (depuis des heures) sur leurs jeux vidéo. Ne me demandez pas lesquels… Je n’en sais rien! Et « Bang », et « Paf », et « Ratatatatata » (tir de mitraillette) et « Arghh! » (un des personnages virtuels tombe, touché par la rafale, et dans un cri rauque rend son dernier souffle).
Je leur dis: « Hé bien les gars, quelle hécatombe… ça flingue grave ici! ça tombe comme des mouches!… ça ne vous dérange pas trop d’abattre tous ces personnages? » Un peu surpris, les ados me répondent que ce n’est qu’un jeu, que cela les détend.
« Nooooon! J’suis foutu! » crie un des ados, avec un petit ton de reproche à mon égard. Dans le jeu vidéo, il venait lui-même de se faire tuer. ‘Game Over’ pour lui! Et c’était un peu de ma faute, sans doute, car j’avais un petit moment détourné son attention avec ma question. Dans ce genre de jeu, ça ne pardonne pas. Tu flingues l’autre ou t’es mort!
L’écran est noir, il est mort… dans le jeu. Le personnage qu’il anime est mort.
Il me sourit, voyant mon air contrit, près à m’excuser. « T’en fais pas, dit-il, cool… J’ai plusieurs vies! »
Du virtuel à la réalité
C’est à ce moment précis qu’un des autres jeunes se tourne vers moi et me demande: « Et dis… nous, on a combien de vies? »
Je n’avais pas tout de suite réalisé que cet ado passait en une seconde du virtuel à la réalité. Il me questionnait sur la vie… la vraie vie. Il me questionnait sur la vie et la mort, et la vie après la mort, mine de rien, comme les enfants et les jeunes savent le faire, au fond très simplement.
J’avais envie de lui répondre: « On a deux vies. L’une sur la terre, l’autre après la mort. »
Mais je me dis en moi-même (tout ça en une seconde): « Ce n’est pas tout à fait juste! Ce ne sont pas deux vies, c’est la même qui continue, la mienne. C’est moi qui vivrai après la mort, grâce à Dieu, à son amour, à sa force de vie. » Evidemment, je n’ai aucune expérience de cela, de la vie après la mort. Mais comme je fais confiance à Jésus (lui qui est passé par la mort et qui, je crois, est ressuscité), comme je parie ma vie sur lui, comme je ressens qu’il anime ma vie et qu’essayer de mettre sa parole en pratique (j’y arrive parfois) ne m’a jamais rendu malheureux, bien au contraire, je tente une réponse. « Je crois que la vie ne s’arrête pas avec la mort. Mais qu’elle rebondit, tout autrement et qu’on est avec Dieu pour toujours totalement heureux. Comment ce sera? Je n’en sais rien. Mais je fais confiance à Celui qui sait et qui est passé par là. »
Profession de foi inattendue
En y repensant, j’ai vécu avec ces adolescents, une nouvelle fois, une profession de foi. Il n’y a pas que celle de « ma grande communion » comme ils disent erronément (parce qu’ils répètent les expressions qu’ils entendent chez eux à la maison ou de la bouche des autres jeunes). C’est fou ce qu’on peut vivre des moments forts de réflexion spirituelle à des moments inattendus. Qui aurait pensé qu’un jeu vidéo avec des « pang, pang… Arghh… J’suis foutu… Ratatata… » aurait été propice à une question sur la vie, sur l’au-delà, et aurait permis une profession de foi?
Au fond, nous avons revécu là, quelque chose de semblable à ce qui s’est passé il y a 2000 ans, dans le temple de Jérusalem, lorsque les Sadducéens, qui ne croyaient pas à la résurrection des morts ont voulu piéger les pharisiens, qui eux y croyaient, en posant à Jésus le grotesque problème des sept frères qui, l’un après l’autre, devaient épouser la même veuve (Lc 20,27-40). Jésus a fait lui aussi ce jour-là une nouvelle profession de foi en la résurrection en répondant: « Ils ne peuvent plus mourir (…) Dieu est le Dieu des vivants » (Lc 20,36 et 38).