
En réponse au stress qui nous nuit personnellement ainsi qu’à la société, Steven Laureys propose la méditation en prévention
Nous sommes hyper stimulés et mis sous pression en permanence. Or, le stress nuit véritablement à la santé physique et mentale. Face à ce problème de société, le professeur Laureys, du CHU de Liège, pense qu’il est grand temps de faire de la prévention.
« Cela devient presque neurotoxique! Comme médecin, explique le neurologue, spécialiste mondial du cerveau, je constate qu’il n’y a presque pas de symptômes ou de plaintes qui ne soient aggravés, voire causés, par le stress: augmentation de la tension artérielle, maux de tête, insomnies, burn out, dépressions… » Et cela touche toute la population: « 80 à 90 % des enfants ont déjà connu des épisodes de stress », relève Steven Laureys qui ajoute: « Les maladies du cerveau sont responsables de beaucoup de souffrances. Une personne sur trois va, un jour, souffrir d’une maladie mentale. »
Tout cela a un coût humain, bien sûr, mais aussi pour la sécurité sociale. Heureusement, il est possible d’y remédier.
En effet, la méditation a clairement des effets positifs sur notre bien-être et notre santé, y compris mentale (voir article dans Dimanche n°37, p.9, « Méditer, c’est très bon pour le cerveau! »). Outil de prévention par excellence, il est temps de lui donner une place dans la recherche et l’éducation et ce, pour le bénéfice – dans tous les sens du terme! – de notre société.
Soutenir davantage la recherche
Le professeur Laureys est bien placé pour dire que « en Belgique, il y a des études suffisantes pour montrer les effets de la méditation sur le cerveau et sur notre santé. En effet, il vient de publier un livre – « La méditation, c’est bon pour le cerveau »(*) – qui relate entre autres les expériences sur la méditation qu’il a pu faire avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard – « un athlète en la matière ». « Mais ces recherches sont trop peu nombreuses. Depuis 20 ans, seulement 9 études cliniques – c’est ridicule ! – quand on sait que l’industrie pharmaceutique en finance des centaines, des milliers pour toutes les autres maladies. »
Or, la méditation peut apporter des réponses à de nombreuses problématiques telles que le burn out et la dépression. Des études montrent que ses effets peuvent être aussi grands, réels et visibles sur les scanners que celui des antidépresseurs, des anxiolytiques et des antidouleurs. L’évidence est là: cela améliore les connexions dans le cerveau; et donc son fonctionnement.
Mais les chercheurs voudraient encore mieux comprendre les mécanismes, les indications – et peut-être les contre-indications – de la méditation. Steven Laureys voudrait ainsi pouvoir comparer différents types de méditation – voire même la prière – en fonction des pathologies. Malheureusement, l’industrie pharmaceutique n’y a aucun intérêt pécuniaire. Pourtant, chaque euro investit – par le Fonds de la Recherche Scientifique, FNRS – permet une meilleure connaissance des techniques – méditation, hypnose, yoga, sophrologie – et, de là, offre plus d’applications.
L’éducation mentale dans le cursus scolaire
En matière de prévention, l’idéal serait d’inscrire la méditation de pleine conscience dans le programme scolaire. Et ce, de la maternelle à l’université. Le professeur Laureys justifie cette demande:« Alors qu’on a des cours d’éducation physique avec des profs qui ont une formation, pourquoi ne pas faire la même chose pour notre bien-être mental: comment gérer mes émotions, mes liens et relations avec l’autre? Vraiment cela me semble être possible, voire nécessaire et je constate que c’est trop négligé dans notre société. »
Comme médecin, Steven Laureys insiste par ailleurs sur la formation des soignants. Ayant à faire face à la souffrance humaine, ils doivent pouvoir écouter leurs émotions, gérer le risque de burn out – trop de médecins en souffrent, voire se suicident. « Nous sommes tous des patients potentiels – les soignants aussi. Il faut responsabiliser le patient, lui donner des outils pour être un acteur plus que d’avaler une pilule. »
A titre individuel, pour celui ou celle qui veut prévenir plutôt que devoir guérir, il existe déjà des formations comme les 8 semaines de Mindfulness-Based Stress Reduction – MBSR. « C’est formidable car cela permet d’offrir quelque chose de standardisé et cela fait du bien. »
Réduire les coûts
« Si on fait froidement ce calcul, investir dans la médecine préventive et dans une meilleure prise en charge de notre bien-être mental, chaque euro nous reviendra. On sait que c’est vraiment une problématique actuellement de se sentir bien à son boulot et au niveau personnel. On a suffisamment d’éléments pour dire que la méditation peut prendre soin de nous. Ce n’est ni magique ni n’importe quoi. On peut donc déjà la proposer en prévention. » Et cela permettrait de réduire les coûts de la sécurité sociale liés aux maladies mentales (absentéisme, remboursement des médicaments, hébergements en hôpital…).
Steven Laureys invite donc les politiciens et ceux qui ont un pouvoir décisionnel à prendre leurs calculatrices. Il vaut mieux investir dans la prévention et dans notre bien être tout court. Cela ne fera pas le bonheur des industries pharmaceutiques mais il faut savoir quelle société on veut.
Vu le formidable potentiel de prévention qu’offre la méditation de pleine conscience, que ce soit au niveau collectif ou individuel, n’attendons donc pas d’être malade pour prendre soin de nous!
S’intéresser à notre univers intérieur
A force d’étudier les effets de la méditation, mais aussi grâce à son parcours personnel et professionnel, le professeur Laureys insiste sur l’importance de ne pas négliger le soin de l’âme, de l’esprit.
« Comme soignant on ne peut pas ignorer la spiritualité du patient. Je demande chaque fois – en particulier quand je suis confronté à des décisions de fin de vie – « quelle est votre conviction philosophique religieuse? » Et quand ce sont des personnes dans le coma – ce qui est notre quotidien – « est-ce que vous pouvez me dire ce que cette personne avait comme croyance? » Je ne suis pas prêtre ni philosophe mais je pense qu’on peut travailler ensemble. Et je pense qu’il faut respecter cela. Evidemment dans le domaine de la conscience, c’est un défi parce qu’on [en tant que scientifiques] a nos a priori. La religion a une réponse sur la conscience, l’esprit, l’âme. Comme soignant, je ne peux avoir un jugement; ce qui compte c’est le patient. Et, là encore, la méditation peut nous être utile car elle permet d’être en empathie et d’avoir de la compassion.
Il semble donc que la méditation de pleine conscience soit une excellente réponse à de nombreux défis de notre société. Entre autres, pour améliorer notre santé – qu’elle soit physique ou mentale – mais aussi notre relation à l’autre.
Nancy Goethals
(*) « La méditation, c’est bon pour le cerveau », Dr Steven Laureys, aux Editions Odile Jacob, 2019