Déjà bousculé par le Pacte d’excellence, le monde de l’enseignement francophone va peut-être devoir faire face à une autre révolution. Scientifique celle-là. Avec le développement croissant des neurosciences de l’éducation. Un vaste domaine de recherche présenté lors de la 15e Université d’été de l’enseignement catholique.
C’est peu dire que les avancées scientifiques ont progressé à pas de géant ces dernières décennies. Avec le développement de disciplines prometteuses, comme les neurosciences, dont l’axe cognitif figure au centre de la 15e Université d’été de l’enseignement catholique organisée à Louvain-la-Neuve ce 23 août.
Baptisée Education et neurosciences, cette journée d’étude offrira à son public la possibilité de découvrir les travaux de quatre experts: Laurence Ris, spécialiste des neurosciences, Natacha Duroisin, docteure en sciences psychologiques et de l’éducation, Bernard Feltz, biologiste et philosophe et Alain Content, professeur et spécialiste de l’apprentissage. Pour autant, « il ne s’agit pas de donner une définition de la neuro-pédagogie », explique Guy Selderslagh, directeur du service d’études du SeGec (Secrétariat Général de l’Enseignement catholique). « L’événement souhaite plutôt faire le point sur toutes les avancées de ce que les neurosciences ont pu apporter ces cinquante dernières années dans le domaine de la connaissance des mécanismes cognitifs et des apprentissages. »
Au cœur du débat
Cette discipline prometteuse s’immisce aujourd’hui dans un monde de l’éducation dont les frontières ont déjà été malmenées par de multiples réformes, dont ce Pacte d’excellence qui a fait couler beaucoup d’encre depuis son lancement. « On vérifiera à l’épreuve des faits et du temps, ce que ces connaissances pourront apporter dans les classes. On gagnera en tous les cas à mieux appréhender les mécanismes de la cognition, mais aussi ceux de l’attention, de la motivation et de la mémoire. Attention, cependant, au fait que comprendre comment fonctionne le cerveau ne donne pas, a priori, les clés d’améliorations significatives et concrètes », ajoute Guy Selderslagh.
Des neurosciences qui provoquent deux comportements chez les enseignants. Certains vont les accueillir à bras ouverts. Mais d’autres, en freinant des deux pieds. Pourquoi? Le philosophe Bernard Feltz répond à cette appréhension, légitime et normale: « Les enseignants partagent en général l’idée que l’être humain est un être libre et qu’éduquer un enfant revient à conférer à ce jeune ce qui est nécessaire pour devenir un adulte libre et responsable. Les neurosciences sont souvent perçues comme remettant en cause cette présupposition. » Et voilà que survient aussitôt la notion du libre arbitre, si chère au philosophe.
Un chemin long et complexe
Ces neurosciences n’ont pas encore épuisé, tant s’en faut, les champs d’investigation scientifique. Comme le souligne Laurence Ris, en guise de conclusion provisoire: « Avec les neurosciences, nous sommes dans une science en mouvement et en perpétuelle évolution. »
Elles doivent donc être prises comme un élément de réflexion, dans l’apprentissage comme ailleurs, et non comme une solution aux problèmes. Un dossier à suivre? Sans nul doute.
Philippe DEGOUY