Comme on pouvait s’y attendre, le livre "Sodoma" fait beaucoup parler de lui. Ne fût-ce qu’en raison du sujet abordé: l’homosexualité dans l’Eglise catholique. Mais la raison de ce succès tient aussi à l’envergure de l’enquête dont cet ouvrage est le résultat. Près de 1.500 personnes ont été interviewées quatre années durant, dont 41 cardinaux, et plus de 200 prêtres et séminaristes.
Ce livre ne laisse personne indifférent, et on comprend pourquoi. L’auteur, Frédéric Martel, y énonce qu’une majorité de cardinaux, de nonces et de membres de la curie romaine sont homosexuels, qu’ils soient ou non "pratiquants".
Pour les catholiques, ce livre constitue un nouveau "coup dur", dans un contexte où les abus sexuels dans l’Eglise ont, une nouvelle fois, été mis en avant ces dernières semaines. De nombreux croyants seront choqués par les révélations de Sodoma. Certains seront sans doute ébranlés dans leur attachement à l’Eglise.
Par-delà le choc, il faut cependant raison garder et, pourrait-on dire, discernement adopter. Si l’ouvrage repose sur une investigation sérieuse – il ne s’agit pas d’un livre à scandale, aucun nom n’est d’ailleurs formellement cité –, il comporte néanmoins certaines faiblesses, liées à la méthode même de l’auteur. Par définition, la sociologie n’est pas une science exacte. Et de fait, l’enquête ne conclut pas à des preuves, mais à des probabilités et des hypothèses, qui ne permettent pas d’affirmer de manière infaillible que les cardinaux seraient majoritairement homosexuels.
Par ailleurs, la clé de lecture adoptée par l’auteur, si elle a sa pertinence, comporte également ses limites. L’auteur comprend en effet les dérives du fonctionnement de l’Eglise à la lumière de la seule question de l’homosexualité en son sein, ce qui constitue un point de vue (forcément) partiel.
S’il ne faut donc pas surestimer la portée du livre, il ne faut cependant pas la minimiser non plus. Benoît XVI était conscient de la "double vie" d’un certain nombre de ses collaborateurs, tandis que François ne cesse de dénoncer la schizophrénie de certains membres de la curie romaine. De ce point de vue, le livre de Martel peut s’avérer un allié objectif de la réforme que François essaie de mener dans l’Eglise.
Christophe HERINCKX