Les questions des enfants sont parfois tellement surprenantes! Mais, à bien y réfléchir elles s’expliquent et surtout, elles font réfléchir les adultes, particulièrement ceux qui sont responsables de la transmission de la foi et de l’animation de la vie ecclésiale (parents et grands-parents chrétiens, évêques, prêtres, diacres, catéchistes, enseignants, artistes…).
Voici une des questions les plus imprévues que j’ai entendue dernièrement. Un groupe d’enfants réfléchissait avec leur catéchiste aux vocations, entre autres à la vocation sacerdotale. Et l’adulte, bien documenté, montrait des images de quelques prêtres qui avaient marqué l’histoire: l’Abbé Pierre, le Père Damien De Veuster, Don Bosco, Vincent de Paul, le pape François… en racontant quelques anecdotes du parcours de chacun d’entre eux.
C’est à ce moment précis que plusieurs enfants du groupe semblaient être en difficulté. La catéchiste s’en inquiète et les interroge. "Quelque chose ne va pas?" "C’est vraiment bizarre, répondent les enfants, comment se fait-il qu’ils ne sont pas noirs?" La catéchiste ne comprend pas bien la question. Les enfants s’expliquent: "Mais… les prêtres sont tous noirs. Il y a aussi des prêtres blancs? On peut être blanc… et devenir prêtre?"
La suite de la discussion permet de découvrir la raison de ces questions d’enfant. En fait, dans les paroisses qu’ils fréquentent (certains régulièrement, d’autres très épisodiquement, par exemple à l’occasion d’un baptême dans la famille ou de funérailles), tous les prêtres qu’ils ont rencontrés proviennent de pays africains. Le hasard des implantations de leur famille et des nominations des prêtres de paroisse a voulu que pas mal d’enfants n’ont jamais vu un prêtre blanc. De là, leur surprise et leur question. Et la catéchiste a dû leur expliquer que tous les prêtres n’étaient pas noirs.
Les expériences des générations
précédentes
Pour la génération antérieure, un questionnement quelque peu similaire existait. Ces enfants-là n’avaient jamais vu de prêtre jeune. Tous les prêtres qu’ils rencontraient étaient "des vieux" - sachant évidemment que pour les enfants, au-dessus de 40 ans, on fait partie des vieux! Ce sont des expériences fort différentes qu’avaient connu les enfants des deux premiers tiers du XXe siècle, et davantage encore ceux qui fréquentaient des mouvements de jeunesse. En effet, aux réunions et au camp, comme dans les écoles, au catéchisme, c’étaient les jeunes vicaires qui, très souvent, s’occupaient de ce qu’on n’appelait pas encore à l’époque la pastorale des jeunes, la pastorale scolaire, etc. Les enfants y rencontraient de jeunes aumôniers. Qu’on se souvienne aussi qu’à l’époque un grand nombre de séminaristes et de jeunes prêtres étaient en âge de faire leur service militaire, d’autant que beaucoup entraient au Grand Séminaire juste après leurs études secondaires, au sortir de la rhéto, âgés seulement de 18 ans. Aujourd’hui, ceux qui y entrent ont pratiquement tous effectué un parcours d’études supérieures, parfois même déjà vécu une expérience professionnelle.
La question des vocations sacerdotales
Certains concluent trop rapidement que le fait de ne plus voir vivre de jeunes prêtres est la cause principale du manque de vocations sacerdotales chez les garçons chrétiens. La question est évidemment bien plus complexe. Les études relatives à la rareté des vocations en Occident montrent que, bien au-delà du contact avec une génération proche de la leur et de la question du célibat, ce qui empêche le plus les jeunes garçons chrétiens de penser à s’engager dans la prêtrise, c’est le désintérêt pour l’institution ecclésiale, la difficulté majeure d’envisager un engagement à vie et la dévalorisation de l’image et du statut social du prêtre. En outre, il ne faut pas ignorer que, depuis quelques années, le public associe trop rapidement la figure du prêtre avec les agissements monstrueux de certains dans les cas de pédophilie. Questions d’enfants que tout cela?
Luc AERENS