La chambre des mises en accusation de Gand a décidé de renvoyer trois médecins devant la Cour d’assises. Elle estime qu’il y a assez d’indices montrant que l’euthanasie d’une autiste de 38 ans ne s’est pas faite conformément à la loi.
Les deux sœurs de la victime, Tine Nys, reprochent aux médecins d’avoir pratiqué en 2010 une euthanasie en méconnaissant autant les règles de procédure que les conditions essentielles de la loi, notamment celle du caractère incurable de la pathologie. En effet, si l’autisme dont souffrait la jeune femme est incurable, la souffrance psychique que cause sa maladie ne l’est pas pour autant. Les médecins inculpés – deux généralistes et un psychiatre – devront dès lors répondre d’empoisonnement devant le jury populaire.
« Je me suis basé sur la législation« , explique Me Fernand Keuleneer, avocat des sœurs Nys. Ceci n’est donc pas le procès de la loi sur l’euthanasie, mais de son application dans ce cas particulier. » Mais l’avocat sait aussi que cette première rouvre les débats par rapport à la loi et son éventuel élargissement comme le veulent les défenseurs de la pratique de l’euthanasie d’une part, ou plutôt une profonde évaluation, comme ceux qui sont plus réticents, d’autre part.
Pas de doute pour la Commission fédérale
En effet, les poursuites actuelles sont d’autant plus surprenantes que dans son rapport pour les années 2010-2011, la Commission fédérale d’évaluation et de contrôle de l’euthanasie écrivait que puisqu’aucune déclaration ne comportait d’éléments faisant douter du respect des conditions essentielles de la loi, aucun dossier n’avait été transmis à la justice. « La commission était d’avis que la loi avait, le cas échéant, parfaitement été respectée« , persiste son président, le professeur Wim Distelmans.
« Le fait que les docteurs savent maintenant qu’ils peuvent être renvoyés devant la Cour d’assises, les fera réfléchir deux fois en cas de doutes« , remarque Patrik Vankrunkelsven, ancien homme politique libéral et docteur du groupe LEIF (LevensEinde InformatieForum) qui défend fortement le droit à l’euthanasie. « Raison de plus pour eux de bien respecter les règles de procédure. » Mais d’autres se posent la question pourquoi le contrôle s’effectue-t-il après l’acte de l’euthanasie…?
C’est particulièrement le cas dans les milieux des psychiatres, qui redoutent en grand nombre l’élargissement de la pratique en cas de pathologies psychiques. « Le mois d’attente que prévoit la loi en cas de situation non terminale est peut-être trop court« , dit aussi la députée CD&V Els Van Hoof. Mais plus fondamentale encore est la question de savoir si un traitement psychiatrique est par défaut encore possible pour des patients suicidaires quand la possibilité de l’euthanasie est grande ouverte.
Benoit LANNOO