La cérémonie traditionnelle de remise des doctorats honoris causa a eu lieu à l’Université catholique de Louvain, dans la soirée du 5 février 2018. En honorant trois pionniers du numérique, l’UCL entend se positionner dans le monde technologique contemporain. Si les deux premiers docteurs honoris causa ont un profil « classique », le troisième dénote par un parcours pour le moins hors des sentiers battus.
Premier à être officiellement distingué, Anant Agarwal revendique une « formation de qualité pour tous ». L’entrepreneur indien ambitionne de démocratiser l’enseignement par le biais de la plateforme d’enseignement en ligne edX, fondée par le Massachussets Institute of Technology (MIT) et l’Université d’Harvard. Fervent défenseur des MOOCS (massive open online course), ces formations en ligne ouvertes à tous, le professeur d’ingénierie électrique et de sciences informatiques au MIT a eu l’occasion de lancer le premier MOOC au succès tangible, puisque 155.00 étudiants de 162 pays s’y sont inscrits.
La deuxième personnalité à avoir été retenue, pour la thématique de cette année, est l’américaine Mitchell Baker, présidente de la Fondation Mozilla, qui a rédigé la fameuse « License Mozilla public », à l’origine notamment du logiciel de navigation Firefox. Ce prix salue l’acuité visionnaire de cette juriste qui veut privilégier l’échange sur Internet, en soutenant le développement de logiciels distribués librement.
Enfin, le troisième à prendre la parole lors de la cérémonie de remise des prix est le professeur Milad Doueihi, titulaire de la chaire Humanum, une chaire « dédiée aux enjeux du numérique pour les humanités » à Sorbonne-Universités. Américain, d’origine libanaise, Milad Doueih est un historien des religions, entré dans l’univers d’Internet par hasard. L’approche de celui qui s’exprime dans un français remarquable est celle d’un philologue, qui s’interroge sur le sens des mots et conceptualise des démarches désormais intuitives pour une nouvelle génération. Ainsi, le théoricien du numérique a-t-il observé le vocabulaire des débuts de l’ère virtuelle qui recourait particulièrement à la navigation. La découverte et l’exploration étaient d’emblée en toile de fond des activités sur le Net. Sa marraine à l’UCL, Aurore François, elle-même historienne, souligne combien Milad Doueih « est devenu un utilisateur expert, mais aussi un observateur privilégié du numérique et de la manière dont il transforme notre monde. Le numérique renégocie des concepts, comme celui de l’amitié, de la participation, de la collaboration. » En s’appuyant sur des connaissances plus anciennes, le chercheur s’inscrit dans la société en devenir; il balise l’univers contemporain de références qui ancrent les démarches dans un savoir ancestral « sans nostalgie ».
Des intermèdes artistiques ont accompagné la proclamation des prix et des discours. Parmi ceux-ci, la prestation d’un chanteur accompagné par une viole de gambe, qui a magistralement interprété une œuvre contemporaine avec un clin d’œil pour le moins original au « hashtag » (ou mot-dièse). Le numérique envahit et renouvelle toutes les composantes de la vie !
Angélique TASIAUX