Il ne s’agit pas d’une constatation météorologique, mais bien d’une voie que l’on semble prendre et qui m’inquiète au plus haut point. La députée nationaliste flamande Yoleen Van Camp a jugé dernièrement que les prothèses du genou coûtent trop cher à la sécurité sociale. Du coup, elle propose que leur pose soit limitée chez les personnes âgées de plus de 95 ans et ne plus être envisagée pour celles d’entre elles qui souffrent de démence. Dans quel but? Faire des économies, que l’élue estime à quelque 200 millions d’euros par an.
L’idée même fait froid dans le dos. Rien que pour y avoir pensé, cela traduit un changement de mentalités inquiétant. Yoleen Van Camp rompt la solidarité sociale. Pire, elle ouvre la boîte de Pandore et porte atteinte aussi à la vie même. Car, sans vouloir être un oiseau de mauvais augure, le danger est grand de pousser le raisonnement plus loin. Dans une société qui entend uniformiser les consciences, par le rejet entre autres de la religion, qui peut garantir que ce genre d’exclusion ne sera pas étendu à d’autres catégories de personnes fragilisées? Qui peut assurer que si un test de dépistage de la trisomie 21 chez une femme enceinte ne débouchera pas un jour sur l’obligation pour les parents, s’ils refusent d’avorter, de supporter les frais de cette pathologie? Croyez-moi, certains n’hésiteront pas à dire que ce n’est pas à la collectivité à payer ces coûts. Même chose pour les personnes âgées, atteintes par exemple de maladie dégénérative ou d’Alzheimer. La tentation de recourir au non-remboursement des coûts sera elle aussi forte. Avec comme corollaire, une « invitation » à recourir à l’euthanasie?
Certains penseront peut-être que ce raisonnement est exagéré, voire qu’il relève de la pure fantaisie. Pas sûr. Lorsqu’on en arrive à émettre de telles idées, on brise les liens entre les êtres humains. Imaginer, ne fût-ce qu’un instant, ce type de réflexion en vient à prôner indirectement l’abandon des plus faibles au profit d’un soi-disant bien commun. C’est intolérable. Notre société en est-elle arrivée à ce point d’inhumanité? La dignité humaine, la solidarité ont-elles encore un brin d’intérêt aux yeux de certains? Nous prenons là une dangereuse direction qui nous conduit sur un terrain glissant. A nous de réagir.
Jean-Jacques Durré
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