Il y a un gros malaise au sein de la commission de contrôle de l’euthanasie. Pour la première fois, un de ses membres a démissionné. Ce dernier reproche à la commission de ne pas avoir renvoyé devant les tribunaux un médecin qui a mis fin aux jours d’une de ses patientes sans respecter la procédure légale.
La Commission fédérale de Contrôle et d’Evaluation de l’Euthanasie est chargée de vérifier si l’euthanasie pratiquée par le médecin a été effectuée selon les conditions et la procédure prévues par la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. Si elle juge que les conditions prévues par la loi n’ont pas été respectées, elle doit envoyer le dossier au procureur du Roi.
Toutefois, on peut s’étonner que depuis sa création il y a quinze ans, ladite commission n’a renvoyé aucun dossier au parquet et aucun médecin n’a été condamné. Soit tout se déroule normalement. Soit il y a non-dénonciation d’une transgression de la loi et cela pose problème. Car, il y a davantage d’euthanasies pratiquées sans respecter la législation que le contraire. C’est un secret de polichinelle. Apparemment, le législateur et la justice ferment les yeux.
Des plaintes, et alors…?
Pourtant, des plaintes ont déjà été déposées, dont deux à l’encontre du président de la Commission, le docteur Wim Distelmans. Une des plaintes porte sur le cas d’une jeune femme de 38 ans, dont l’euthanasie a été remise en cause par ses sœurs. Sans suivi psychiatrique depuis quinze ans, cette jeune femme avait pris contact avec son médecin, et demandé à être euthanasiée très rapidement, à la suite d’une rupture amoureuse. Elle a alors pris rendez-vous avec trois médecins différents, dont une psychiatre, pour qu’ils consentent à ce que l’un d’entre eux provoque sa mort. Un diagnostic d’autisme a alors été posé. L’euthanasie a eu lieu deux mois plus tard. Mais les deux sœurs de la jeune femme ont dénoncé une décision hâtive non concertée de la part des médecins. Avec une question: pourquoi aucun traitement n’a été entrepris? Elles ont pointé du doigt l’amateurisme du médecin qui aurait mal préparé la procédure. Les deux sœurs ont interpellé la Commission de contrôle de l’euthanasie qui, après vérification, n’a pas trouvé le document officiel de déclaration que le médecin doit obligatoirement rentrer dans les quatre jours après l’euthanasie. « Par négligence, sans doute », a avoué le médecin qui a pratiqué l’euthanasie. Une négligence vite corrigée: faisant suite aux interpellations de la famille, la Commission a reçu le formulaire de déclaration deux mois plus tard. Sur base de celui-ci, la Commission a avalisé ce cas d’euthanasie. Un peu léger, non?
Une commission qui se prend pour un juge?
Le dossier qui a conduit à la démission d’un membre de la Commission, porte sur une décision de celle-ci. Une patiente, atteinte de démence, était en phase d’agonie. Pour soulager ses souffrances, son médecin a décidé de lui administrer une dose létale de médicaments, sans son consentement, et sans l’avis d’un deuxième médecin comme l’exige la loi de 2002 sur l’euthanasie. Le médecin s’est alors placé en infraction. La Commission aurait dû transférer le dossier au parquet, elle ne l’a pas fait.
Pour le médecin démissionnaire, il y a là une « double violation manifeste de la loi ». Or, la Commission n’a pas transféré le dossier à la justice, car la majorité des deux tiers requise n’a pas été atteinte. Pour le médecin, « la commission ne remplit pas son rôle. Elle se prend pour un juge. Elle n’élargit pas l’application de la loi euthanasie, elle la viole ».
Il est temps que le législateur se penche sur cette Commission de contrôle, qui transgresse à la fois la loi et son rôle. Deux parlementaires CD&V ont déposé en décembre une proposition de loi pour renforcer les règles encadrant la pratique de l’euthanasie. Espérons qu’elle puisse aboutir, car les dérives sont déjà réelles et ne feront que s’accroître, soyons en certains!
Jean-Jacques Durré
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