L’hebdomadaire flamand Tertio vient de lancer une pétition pour le maintien de la diffusion des cultes à la télévision flamande. Depuis la décision de la VRT de diffuser deux fois par an une prière musulmane, le ministre flamand des Médias, le libéral Sven Gatz, menace en effet de supprimer toutes les émissions cultuelles.
La télévision publique flamande VRT a annoncé il y a quinze jours qu’elle allait dorénavant diffuser deux prières musulmanes par an, tous comme elle le faisait déjà pour deux services judaïques, deux messes orthodoxes, deux offices protestants et pour une trentaine de messes catholiques, tous diffusés le dimanche-matin. Le premier enregistrement d’un service de prières musulmans a eu lieu le mercredi 6 septembre dans une mosquée à Genk, à l’occasion du Mawlid an-Nabi, l’anniversaire de la naissance de Mahomet, le prophète de l’islam ; la diffusion a eu lieu dimanche passé. « La VRT considère la diffusion de cultes comme un service au public: les personnes qui ne peuvent pas se rendre sur place au culte, peuvent ainsi quand même y participer », précisait le communiqué de presse du 30 novembre. « Par ailleurs, le fait de montrer en toute transparence ce qui se passe dans une église ou une mosquée, permet aux gens de mieux comprendre le culte des autres ».
Un bras de fer?
Que la fédération flamande des organisations laïques – deMens.nu – exigeait immédiatement « le même traitement, c’est-à-dire une présence visible et explicite de la laïcité » à la télévision, n’était que normale: personne ne peut s’opposer à la diffusion au petit écran de ce qui se passe par exemple dans un temple franc-maçon ou à l’occasion d’une fête laïque… Bien moins inoffensives sont les déclarations de la présidente de l’Open VLD, Gwendolyn Rutten, et du ministre flamand des Médias issu de son parti, Sven Gatz. « Je veux que la VRT arrête la diffusion de tout émission cultuelle », a déclaré le ministre sans hésitations, « et je vais interpeller la VRT à ce sujet lors de l’évaluation de notre convention prévue en janvier ». Peut-on imaginer que les milieux laïques aient cru pouvoir profiter de certains sentiments islamophobes suscités par la décision de la VRT pour remettre en cause toute présence des cultes au petit écran ou sur les ondes des chaînes de radios publiques?
D’après Sven Gatz, « la diffusion d’activités cultuelles n’appartient pas aux tâches primordiales de la VRT et il ne ressort pas de la compétence de la chaîne publique de décider de les inclure dans sa programmation ». Mais le ministre a été remis à sa place par le président du Conseil d’administration de la VRT, Luc Van den Brande (ancien ministre-président flamand CD&V), qui dans un communiqué de presse a rappelé que « la convention signée par la VRT et le ministre est claire: la VRT doit organiser une concertation structurelle avec les courants convictionnelles et les intégrer dans la programmation de la chaîne publique. La VRT considère la diffusion des cultes depuis longue date comme un service aux personnes qui n’ont pas la possibilité d’y participer physiquement. A ce sujet, aucune évaluation de notre convention n’est prévue et l’indépendance de la VRT dans sa programmation doit dès lors être respectée ».
Prévoir
L’affaire est sérieuse. Et malgré le communiqué du président du Conseil d’administration de la télévision publique du nord du pays- qui laisse présager un bras de fer entre la chaîne publique et le ministre des Médias, l’hebdomadaire d’opinion chrétienne Tertio a lancé une pétition sur la Toile pour le maintien de la diffusion des émissions des cultes à la chaine publique flamande. « Mieux vaut lancer notre pétition maintenant », estime le rédacteur en chef de Tertio, Emmanuel Van Lierde (photo), en ajoutant: « quand une décision sera prise et il sera trop tard ». Emmanuel Van Lierde fait évidemment allusion à la façon sournoise par laquelle le ministre Gatz a mis terme aux émissions concédées à la VRT, en faisant passer en sourdine au contrôle budgétaire flamand d’avril 2015 la suppression du temps d’émission et des subsides pour ces émissions concédées, sans le moindre débat au préalable. Quelque 14.000 signatures pour sauver les émissions concédés n’ont rien pu changer: les émissions concédées ont disparu dès le 1er janvier 2017. « N’attendons cette fois-ci pas que Gatz et consorts puissent exécuter leurs intentions », dit un Van Lierde combattif.
Benoit Lannoo
La pétition peut être signé via ce lien: www.tertio.be/petitie-erediensten