Avec Lady MacBeth, William Oldroyd adapte un roman célèbre de la littérature russe du XIXe siècle et le transpose en Angleterre. Il nous montre le parcours et la révolte d’une femme destinée à n’être que subalterne au service de son mari seigneur et maître.
Le calendrier des sorties cinéma n’est pas le même que celui des communautés chrétiennes. Elles ont eu droit, déjà, à deux sorties exceptionnelles, Silence de Martin Scorsese et La confession de Nicolas Boukhrief. Elles étaient un peu comme ces œufs de Pâques vendus prématurément dans les magasins, bien avant même le début du Carême. Cette semaine sainte voit la sortie du huitième opus de Fast & Furious, qui n’a pas besoin de la critique pour amener les foules dans les salles, et de la dernière comédie française de Gérard Jugnot que l’on oubliera assez vite. Il est cependant un film qui sort du lot et qu’il paraît bon de mettre en exergue: Lady Mcbeth.
Si ce long-métrage évoque Shakespeare, ce n’est pas lui que le réalisateur adapte, mais un roman écrit par l’écrivain et journaliste russe Nikolaï Leskov en 1865, Lady Macbeth du district de Mtsensk. Le livre est peu connu en Europe mais il a fait l’objet de plusieurs adaptations au cinéma (Andrzej Wajda, en 1961) et, plus tôt, à l’opéra par Dimitri Chostakovitch en 1934. La pièce fut alors condamnée et censurée par Staline.
Lady Macbeth, c’est un peu Madame Bovary en Russie qui s’exile en Angleterre. Le réalisateur et la scénariste transposent d’excellente façon cette histoire d’une femme condamnée à être subalterne, au service de son mari et des hommes de la famille en général, mais que la quête d’autonomie et d’amour va conduire à des situations dramatiques et même au meurtre. A l’époque, la femme n’avait rien à dire, sinon obéir (soit littéralement "écouter"). Ici, Katherine, devenue Anglaise par la magie de l’adaptation, veut devenir indépendante, veut aimer qui elle veut, puisque son mari la délaisse. Elle prendra comme amant un ouvrier de celui-ci et, dans le même mouvement, son destin en main, pour le gérer, le planifier jusqu’à ce que les morts s’ensuivent. Difficile d’en dire plus sans gâcher la découverte de l’évolution de ce personnage. Car le spectateur passera de l’empathie - même si elle est colorée d’une vision contemporaine de la femme et de ses droits - à l’horreur, la répulsion et la révulsion! C’est que, tout comme le réalisateur, il ne pourra pas accepter les mauvais moyens utilisés pour défendre une cause qui, au départ, paraît juste et légitime!
Ce film est exigeant et demandera un effort au spectateur soucieux de découvrir des enjeux de société et les questions éthiques posées par les actions et réactions des protagonistes qui y sont confrontés. Annoncé "pour tous", le film sera vu de préférence par des adultes et de grands adolescents.
Charles De CLERCQ - RCF
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Les sorties de la semaine et les critiques de Charles Declercq: cinecure.be ou rendez-vous dans l'émission Cinécure sur RCF Bruxelles (107.6 FM ou rcf.be), le mercredi à 13h10 et 19h15, le samedi à 13h30 et 18h15 ou dans "Cinécure l'intégrale", le dimanche à 17h30. Cette émission est disponible en podcast. A découvrir également, l'émission "Les 4 sans coups": une fois par mois, Charles Declercq invite ses amis critiques cinéma à partager leur passion pour les films du moment. Une discussion riche en échanges contradictoires, mais toujours dans la bonne humeur ! Le 3e vendredi du mois 21h et le samedi à 17h. Egalement accessible en podcast sur rcf ou sur les4sanscoups.be..