Qui peut encore douter qu’il existe bel et bien une fracture entre la classe politique et une très large frange de la population? Tout concorde à démontrer que ce qu’on appelle "l’establishment" fait l’objet d’une méfiance de la part de nombreux citoyens. Que ce soit dans notre pays, en Europe ou outre-Atlantique, il y a une déconnexion réelle entre ce que vivent au quotidien les habitants et ce qu’en perçoivent certains élus. Du coup, face à une situation économique et sociale toujours un peu morose, il n’est pas étonnant que les électeurs se tournent vers ceux qui promettent des lendemains enchanteurs. Ces "faux prophètes", si vous me permettez cette expression, "surfent" allègrement sur cette technique. Si l’on observe ce qui s’est passé aux Etats-Unis, il faut d’abord songer à ne jamais minimiser un adversaire ou un candidat. On l’a raillé, on a tenté de le discréditer, mais il occupe aujourd’hui le Bureau oval. Sans doute en grande partie parce qu’il a fait rêver. Le discours d’investiture du 45e président américain est révélateur: repli sur soi, mais surtout promesse de plein emploi, de construction des routes, aéroports, tunnels, d’éradication des maladies, etc. S’il y a fort à parier que l’engouement suscité par de tels propos entraînera une déception encore plus grande, au bout des quatre ans de mandat, l’action de la nouvelle administration peut faire dans ce laps de temps, beaucoup de dégâts. Car la classe politique américaine n’a pas pu enrayer la vague démagogique, en partie parce qu’elle est discréditée aux yeux d’une population fragilisée. Le nouveau locataire de la Maison Blanche l’a bien compris.
Et chez nous? La situation n’est guère mieux. L’affaire Publifin – même si rien d’illégal n’a été commis, précisons-le – est dramatique pour l’image de la classe politique. S’octroyer des salaires et émoluments exorbitants, qui plus est, dans une période où 6% des Belges sont en situation de pauvreté grave et où 22% déclarent avoir des difficultés à joindre les deux bouts, constitue un "terreau" idéal pour alimenter le discours démagogique de certaines formations. Qu’on me comprenne bien: il ne s’agit pas de fustiger les salaires parfois importants que perçoivent ceux qui exercent des responsabilités importantes. Mais quand ces salaires deviennent excessifs, c’est indigne. Presqu’une gifle à la figure de ceux qui sont précarisés.
Il est temps que, tous ensemble, citoyens et responsables, nous réfléchissions à un nouveau modèle de société. Faute de quoi, le jeu dangereux auquel nous assistons risque de mal tourner.
Jean-Jacques DURRÉ
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