Le mercredi 26 avril, une réflexion en « trialogue » était organisée à l’Institut « Lumen Vitae », à Bruxelles. Cette rencontre a réuni le Grand Rabbin de Bruxelles Albert Guigui, Mgr Guy Harpigny, évêque de Tournai, et M. Brahim Bouna, imam. Le thème de la soirée était: « Miséricorde de Dieu, miséricorde des hommes ».
Organisée par la chaire « Cusanus », les facultés de théologie de la KUL et de l’UCL, ainsi que la Communauté Sant’ Egidio et d’autres associations, cette réflexion se situait dans le cadre du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde. Elle a donné lieu à un échange visiblement chaleureux et fraternel entre le rabbin, l’évêque et l’imam.
Les trois intervenants ont exposé, tour à tour, la façon dont leurs traditions respectives comprennent la miséricorde, avant d’échanger avec le public sur ce thème qui est apparu essentiel aux trois religions monothéistes. Dans une première approche, le Grand Rabbin Guigui a montre que, dans la Bible hébraïque, la miséricorde de Dieu est le plus souvent associée à deux autres thèmes également centraux: la justice et la bonté. Plus précisément, la miséricorde semble réconcilier ces deux notions, alors que, dans notre culture occidentale, elles paraissent généralement opposées.
Au cœur de l’évangile
La bonté et la justice, pour Albert Guigui, forment l’essentiel de la morale juive. Si Dieu agit envers l’homme avec juctice, mais également avec bonté, l’homme est appelé à imiter Dieu, à être miséricordieux à son image. Si le règne de l’amour doit advenir, si les droits de l’homme doivent être respectés, cela ne sera possible, selon le Grand Rabbin, que si « une doctrine sociale intégrale » est appliquée.
Intervenant ensuite, Mgr Guy Harpigny a commencé par souligner la difficulté qu’il y a à parler de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui. Comment en parler après les génocides? Par ailleurs, la « mort de Dieu » proclamée par le philosophe Nietzsche n’a pas davantage favorisé la vie de l’homme. Et face aux injustices et à la pauvreté conséquentes d’un certain modèle économique, l’évêque de Tournai s’est demandé s’il ne faudrait pas créer un « ministère fédéral de la miséricorde » dans notre pays, à côté de ceux pour l’emploi ou la justice… Bref, dans le contexte actuel, la question de la miséricorde est-elle pertinente?
Pour Mgr Harpigny, la miséricode de Dieu se manifeste dans les appels incessants au Peuple d’Israël, qu’Il n’abandonne pas à son sort, malgré les infidélités répétées de ce dernier. Dieu veut la vie de l’homme, moyennant sa conversion, et non la mort du pécheur. Avec Jésus, la miséricorde prend un sens nouveau: elle est pour tous, les justes et les pécheurs. Jésus manifeste, en prenant le péché sur lui, et en nous justifiant, que la miséricorde est le coeur même de l’évangile.
Au cœur de l’islam
Pour l’imam Brahim Bouna, intervenant enfin au nom de l’islam, la miséricorde de Dieu est également au cœur du Coran. Et tout comme les intervenants précédents, il a insisté sur le fait que, dans l’islam également, les fidèles sont appelés à imiter Dieu dans sa miséricorde infinie. A cette occasion, M. Bouna a lancé un vibrant appel aux musulmans, en particulier aux imams et aux enseignants de religion islamique, à faire l’autocritique de leur pratique, et à exclure toute violence au nom de Dieu.
C. H.