Le Camino de Santiago… Le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Des noms qui font rêver. Mais aussi un pèlerinage qui a vu défiler des millions de personnes depuis le Moyen Age. Qu’est-ce qui pousse les fidèles à entamer ce voyage?
Compostelle est un nom qui fait vibrer l’imagination. Beaucoup partent sur ce chemin qui a vu des rois et des reines le parcourir, mais aussi de simples anonymes; tous pèlerins en quête de sens. L’association belge des Amis de Saint-Jacques-de-Compostelle fête cette année ses trente ans. L’occasion de parler de ce qu’elle apporte comme aide aux pèlerins belges qui arpentent les routes d’Espagne pour arriver à Compostelle. Cette association pluraliste a en effet pour principal objet d’aider toute personne désireuse de se rendre à Compostelle en pèlerinage ou, du moins, en démarche spirituelle, de l’aider à se préparer à cette démarche et à l’accomplir.« Ensuite, nous l’accueillons bien volontiers pour qu’elle partage comment le chemin l’a enrichie pendant son parcours », précise Pascal Duchêne, président de l’association.
L’association des Amis de Saint-Jacques connaît un certain succès en Belgique francophone, au niveau du nombre de pèlerins qui se mettent en route sur le ‘Camino’. « Nous avons des départs à partir de domiciles, d’autres de France et d’Espagne. Il y a beaucoup de chemins différents mais depuis une dizaine d’années, ce sont entre 450 et 500 personnes par an qui se mettent en route à travers notre association pour avoir accès aux refuges et aux commodités sur les chemins de Saint-Jacques », ajoute Francis Hiffe, trésorier.
Un chemin qui transforme
Ceux qui relèvent ce défi ne sont pas nécessairement croyants. « Notre devise est ‘à chacun son chemin’ et beaucoup de personnes qui partent ne sont effectivement croyants. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils arrivent tous comme pèlerins », explique encore Pascal Duchêne. Mais si certains pèlerins ne sont pas spécialement croyants, peuvent-ils découvrir Dieu tout à coup? Ce chemin transforme-t-il? « Assurément, ce chemin transforme mais il ne nous appartient pas de fixer le rendez-vous entre le pèlerin et notre Seigneur. Evidemment, chacun marche à son rythme vers Compostelle et s’ouvre. J’ai toujours tendance à dire aux candidats pèlerins qui viennent lors de nos soirées d’accueil: restez ouverts à la rencontre de l’autre mais aussi du Tout Autre. On ne sait pas quand Il peut frapper à la porte. Il faut être en éveil pour pouvoir l’accueillir », dit Pascal Duchêne.
L’association aide donc à être pèlerin officiel de Saint-Jacques. Chaque pèlerin qui se met en route et veut avoir accès à certains refuges, obligatoires en Espagne, doit être en possession d’une Crédenciale qui est en quelque sorte le « passeport du pèlerin ». « La Crédenciale que nous délivrons en Belgique provient de la cathédrale de Santiago qui est reconnue par toutes les instances espagnoles », souligne Francis Hiffe.
Aujourd’hui, il existe plus de vingt-sept routes qui mènent à Compostelle depuis la frontière espagnole. Des chemins qui sont nés au départ du travail des historiens, un travail de récupération de relectures de l’histoire du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle à travers le temps. Ensuite, localement, des associations sont nées. La plus ancienne association est née en France. Puis sont apparues d’autres associations en Europe. Pour Pascal Duchêne, c’est grâce à d’anciens pèlerins, qui sont allés et revenus de Saint-Jacques et qui souhaitent avant tout transmettre ce qu’ils ont vécu à d’autres personnes, que naît dans des communautés, une association, laquelle se structure et envoie les pèlerins sur les chemins.
Mais quand a débuté le pèlerinage de Saint-Jacques? Les premiers traités d’Aimery Picaud sont une sorte de référence. Ce moine poitevin ayant vécu au XIIe siècle, est traditionnellement considéré comme l’auteur du Guide du Pèlerin, premier ouvrage consacré au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il a effectué le pèlerinage de Saint-Jacques à cheval et visité à cette occasion un grand nombre de sanctuaires de la chrétienté. Il est le premier à avoir eu l’idée de remplacer la concurrence entre les divers sanctuaires par une complémentarité : pour se rendre à Compostelle, le pèlerin visite au passage – au besoin, au prix d’un détour – tous les sanctuaires qui sont sur sa route.
Retrouve-t-on encore sur ces itinéraires des vestiges des premiers pèlerinages? « Au niveau de la chrétienté, il y avait une habitude de particulariser d’anciens lieux de cultes païens et de les christianiser. Cela s’est sans doute fait le long de chemins qui étaient des voies de communication à l’époque, comme des voies romaines qui ont été redécouvertes et qui ont, finalement, conduit les pèlerins vers Compostelle. Vous avez aussi d’autres pèlerinages dans la chrétienté qui amenaient à certains lieux, et des pèlerins qui ont permis de retracer des chemins vers Compostelle. Donc, tout ce qui se rapportait au culte d’un saint vénéré localement, permettait d’avoir un rapport avec l’hébergement sur les chemins et l’accueil des pèlerins. Mais, sur ces sujets, les historiens sont encore toujours en train de rechercher plus profondément la vérité, grâce aux techniques modernes », précise encore Pascal Duchêne.
Apprendre à se connaître
Au-delà de l’aspect ‘logistique’, il y a surtout la dimension spirituelle qui est l’axe central de tout pèlerinage. « Chaque pèlerin qui se met en route sur les chemins de Saint-Jacques, peut avoir plusieurs motivations. Une quête de sens, de spiritualité, mais aussi une recherche sur soi-même. », explique Francis Hiffe, qui lui-même a effectué les 800 km qui l’ont mené à Compostelle.
Comment se prépare-t-on à vivre cette expérience, en dehors de l’aspect physique? « Il faut apprendre à se connaître si on ne l’a pas encore fait. C’est une des premières choses à faire; on commence à cerner ses limites. On peut penser pouvoir marcher trente kilomètres par jour à pied alors qu’il est peut-être raisonnable, en fonction de son état de santé, de n’en faire que vingt. On pense faire des étapes de cent kilomètres en vélo alors qu’il vaut peut-être mieux n’en faire que septante. Et puis, sur le chemin de Saint-Jacques, il y a une chose qu’il faut apprendre à faire, c’est ne pas être pressé afin de rester ouvert aux rencontres, aux découvertes qui vous permettent, parfois, de vous redécouvrir en profondeur et d’aller au-delà aussi de vous-même », souligne Francis Hiffe.
Le chemin de Saint-Jacques passe aussi en Wallonie, notamment par le Brabant wallon et Namur. L’association des Amis de Saint-Jacques a d’ailleurs édité un guide sur ce chemin appelé « Via Gallia Belgica » qui part de Hélécine en passant par Binche jusque Saint-Quentin. Une équipe d’une vingtaine de baliseurs travaillent sur ces chemins en Belgique francophone, en partant d’Aix-la-Chapelle et de Maastricht pour rejoindre Liège et Namur.
En 2016, l’association des Amis de Saint-Jacques fête ses 30 ans. L’occasion de célébrer cet anniversaire par diverses manifestations, notamment par une marche à l’étoile avec une journée de réflexion spirituelle.
Jean-Jacques Durré