Depuis 2006, les Infirmiers de rue agissent pour le bien-être de ceux qui vivent dans la rue. Aller à la rencontre des sans-abri, leur offrir des soins et les pousser à se réinsérer dans la société, c’est le quotidien des membres de l’association.
Lorsqu’elles ont ressenti l’envie de créer une ASBL qui viendrait en aide aux sans-abri, Sara Janssens et Emilie Meessen ont d’abord effectué une étude de terrain. Elles ont réalisé que les SDF se négligeaient très fort, cumulaient des problèmes de santé et d’hygiène et qu’ils ne connaissaient pas les infrastructures qui existaient pour les aider. Alors, Sara Janssens et Emilie Meessen ont créé l’association « Infirmiers de rue » pour résoudre ces problèmes. Elles ont commencé à deux, bénévolement. Petit à petit, elles augmentaient leur temps de travail, jusqu’à être rémunérées. Aujourd’hui, cela fait dix ans que l’ASBL existe et 17 employés salariés y travaillent. Des bénévoles et des partenaires viennent également prêter main-forte aux employés.
L’ASBL suit une trentaine de sans-abri de façon régulière. Un nombre restreint qui permet plus de visites, plus de soutien de la part des membres et une remise en logement plus rapide. La relation sans-abri/Infirmier de rue est vraiment personnalisée. Les actions seront déterminées par les attentes, les besoins et les ressources de la personne qui vit dans la rue. L’infirmier va donc apprendre à connaître cette personne: ses talents, ses compétences, son parcours et ses rêves mais aussi aborder avec elle la question de la santé et de l’hygiène. Il faut compter trois ans en moyenne pour arriver à une remise en logement du sans-abri. Ce n’est donc pas un service d’urgence. Le travail est fini quand la personne qui était dans la rue devient autonome et qu’elle est stabilisée dans sa nouvelle vie. Ce qui peut prendre un peu de temps puisque ça n’est pas chose facile de retrouver ses réflexes en logement alors qu’on a passé plus de 10 ans en rue. En 5 ans, l’association a relogé 78 personnes dans des logements sociaux, dans des maisons de repos, dans des logements privés ou encore en appartement supervisé. Le challenge de l’association pour les années à venir, c’est de pouvoir proposer une solution à chaque SDF qui a la volonté de sortir de la rue.
Toujours munis d’un sac à dos
Pour aller à la rencontre des sans-abri, les Infirmiers de rue sont toujours à deux, et portent chacun un sac-à-dos sur leurs épaules. L’un contient le matériel pour l’hygiène, l’autre celui pour soigner les plaies. Mais ces sacs ne sont ouverts qu’exceptionnellement, parce que le but est de convaincre le sans-logis d’aller prendre une douche dans un centre ou d’aller se faire soigner chez le médecin. Et ce, histoire de remettre les SDF en mouvement. Si la personne refuse d’accompagner les membres de l’association, les soins sont faits en rue. Le tout est d’arriver à gagner sa confiance. Dans les fameux sacs, il y a des lingettes qui sont utilisées à chaque rencontre. « Quand on leur dit bonjour, on leur propose de se laver les mains et on distribue des lingettes. Après, on leur demande comment ils se sentent, si ça leur fait du bien et s’ils aimeraient, du coup, prendre une douche », explique Anne van Tichelen, infirmière chez les Infirmiers de rue. Mais ça n’est pas tout, dans les sacs il y a aussi tout le nécessaire pour pouvoir prendre une douche, un traitement anti-poux, des vêtements, des chaussettes et des soins dentaires.
Le but est de créer un lien avec les sans-abri, parce qu’ils ont souvent besoin de discuter. En général, les rencontres se passent très bien. Les membres de l’association se présentent et tout de suite les sujets de la santé et de l’hygiène sont ouverts. Les SDF sont alors touchés que quelqu’un s’intéresse à eux et se soucie enfin d’eux. Parce qu’à force de vivre dans la rue, ils souffrent de problèmes respiratoires causés par le froid, de parasitoses, ils ont des plaies, et, puisque qu’ils sont très souvent debout et marchent beaucoup, la circulation se fait mal dans leurs jambes. Des problèmes de santé mentale peuvent aussi survenir, causés par le stress et l’insécurité dans laquelle ils vivent. Les soins sont donc très bien accueillis.
Les infirmiers de rue partagent leurs émotions et leurs expériences ensemble. Ils ont conscience de l’influence positive qu’ils ont sur les sans-logis, comme le souligne Anne van Tichelen: « Sur le terrain, on remobilise le sans-abri, on est peut-être juste un petit levier qui va faire qu’il va lui-même se remettre en mouvement et va re-réaliser ce qu’il sait faire, il va avoir confiance en lui et va pouvoir voler de ses propres ailes. » La plus belle récompense pour les membres de l’ASBL, c’est quand ces personnes, qui ne sont pas arrivées dans la rue, dans le froid et dans l’insécurité par choix, retrouvent un logement et qu’elles se sentent à nouveau bien dans leur vie. « C’est ça qui nous permet de croire que c’est possible pour tous », résume Anne van Tichelen. Car chez les Infirmiers de rue, on croit à la fin du « sans-abrisme » et la plus belle récompense serait, qu’un jour, ils ne doivent plus exister.
Natacha Cocq
Pour contacter l’ASBL:
Rue de la Caserne, 80/4
1000 Bruxelles
Tel: 02/265 33 00
www.infirmiersderue.org
Article paru dans le journal Dimanche n°11 du 20 mars 2016. Abonnement ici.