Les trappistes et les trappistines forment ensemble l’Ordre des Cisterciens de la Stricte Observance. Historiquement, ils se rattachent à la Grande Trappe en Normandie, d’où leur nom. Ils suivent la Règle de saint Benoît, qui est le tronc commun pour toute la vie monastique aujourd’hui dans l’Eglise latine.
Pour frère Xavier, qui a rejoint la communauté d’Orval depuis une vingtaine d’années, il y a dans le paysage de la vie religieuse un vœu qui identifie les moines cisterciens, c’est le vœu de stabilité. Dans l’itinéraire de chaque moine, de chaque vocation à la vie monastique, il y a d’abord l’appel et l’attrait pour un lieu et une communauté où les moines s’engagent pour la suite de leur vie. Les moines trappistes sont les héritiers de la famille cistercienne dont la figure la plus connue est saint Bernard. Aujourd’hui encore, saint Bernard et d’autres maîtres spirituels du XIIe siècle continuent à inspirer la tradition monastique. Leurs textes sont lus et médités quotidiennement par les moines. « La fréquentation de l’Ecriture est véritablement le poumon de notre journée », explique frère Xavier. « Certains sermons liturgiques du bienheureux Guerric d’Igny, par exemple, portent une attention particulière à la vie monastique dans un équilibre entre vie de travail et vie de prière. »
Spiritualité et labeur
Dans la vie monastique, la prière rythme le quotidien. Il n’en est pas autrement pour les trappistes qui débutent chaque journée par un temps de prière commune avec le chant des psaumes. Ensuite, au fil des heures, la prière chantée alterne avec des temps de prière personnelle: écouter la Parole de Dieu, méditation et rumination. Entre ces temps spirituels, viennent se greffer différents services en communauté. Pour chaque membre de la communauté c’est la même réalité d’un travail vécu dans l’esprit fraternel et au niveau d’un service. Certains frères effectuent un travail de bucheronnage en forêt pour fournir dans la région du bois de chauffage, d’autres s’investissent en cuisine, d’autres encore sont en charge de l’accueil, de l’hôtellerie ou de la formation des frères qui ont récemment rejoint la communauté. Depuis les origines, le travail intellectuel et physique a toujours été valorisé au sein des abbayes, anciennement celui de la terre. Le développement des activités liées à la production de fromage ou de bière découle directement de cette spécificité de la vie dans un monastère. Dès leur fondation, les communautés trappistes se sont appuyées sur une économie de type agricole. La bière s’inscrit directement dans l’histoire du patrimoine et d’une culture brassicole en Belgique. Dans les communautés, il y avait une tradition de faire une bière de table destinée à la communauté et à l’hôtellerie. A partir de là, les brasseries se sont développées au fil des générations.
Une dimension solidaire essentielle
Le développement des activités brassicoles et fromagères, pour ne citer qu’elles, ont permis aux communautés trappistes de subvenir aisément à leurs besoins mais aussi de devenir de véritables acteurs sociaux. Cette dimension sociale est d’ailleurs inscrite dans les critères d’attribution du label « Authentic Trappist Product » (ATP) géré par l’Association Internationale Trappiste. L’affectation des revenus générés par la vente de ces produits doit viser pour une grande part la solidarité à l’intérieur même de l’ordre trappiste, avec une attention particulière pour les fondations de nouvelles communautés dans des régions du monde très défavorisées sur le plan économique. Pour beaucoup de ces communautés, il y a souvent un appel à la générosité fraternelle pour des projets de construction ou autre. A l’échelle locale, chaque monastère, vit une solidarité très concrète avec des associations, notamment dans l’aide aux personnes en situation de fragilité diverse ou de difficulté matérielle. Par discrétion, les communautés font peu de publicité sur ce soutien qui est aussi financier. L’action philanthropique des trappistes concerne aussi la jeunesse, l’emploi durable, la solidarité envers les personnes âgées… et même des projets médicaux. Un exemple concret: en province de Luxembourg, les trappistes ont soutenu le développement des soins palliatifs quand cette réalité était encore inconnue du grand public ou absolument pas prise en charge par la sécurité sociale.
L’Association Internationale Trappiste
Créée au début des années 90 pour valoriser l’identité des produits trappistes, certifier une provenance et plus largement une éthique liée aux produits, l’Association Internationale Trappiste (AIT) compte à ce jour vingt communautés trappistes. Au départ, elle regroupait principalement des communautés belges, masculines et féminines, mais depuis quelques années, elle s’est ouverte au monde avec des communautés hollandaise, autrichienne, américaine et italienne. Les liens de communauté à communauté sont essentiels. La relation de filiation s’étend aussi bien aux monastères de moines que de moniales. A Chimay, le monastère de Scourmont est par exemple devenu la maison-mère de plusieurs monastères à travers l’Europe et l’Afrique. Ce lien de filiation, donc d’engendrement par une communauté mère d’une nouvelle fondation, perdure. Cette réalité qui se vit au niveau de l’ordre se vérifie de manière plus resserrée par région ou par zone linguistique tant sur le plan économique que pour des partages d’expérience entre frères et sœurs en responsabilité.
Vers de nouvelles vocations?
« La particularité du style de la vie monastique est essentiellement tournée vers une expérience spirituelle dans l’écoute de la Parole de Dieu. Cette réalité interpelle les jeunes », explique frère Xavier, de la communauté d’Orval. Chaque année, au mois d’août, le monastère accueille une soixantaine de jeunes qui viennent passer quelques jours, pour découvrir les traditions de la ‘lectio divina’ ou vivre un temps de partage avec la communauté. Certains d’entre eux peuvent ressentir un attrait, une interrogation ou une interpellation par rapport à la vie monastique. La dimension du silence et d’intériorité notamment marque les jeunes qui passent un temps au monastère. C’est pour eux une expérience forte de sens, qu’ils souhaitent souvent préserver, une fois rentrés chez eux.
Quand on évoque avec les trappistes l’avenir de la communauté et de l’ordre, les frères parlent d’un beau défi et d’un bel appel, quels que soient les lieux de la vie religieuse, monastique ou autre. « Il faut être attentif à ce que l’Esprit nous dit par rapport à la réalité de nos communautés, c’est d’abord dans l’aujourd’hui que va se vivre l’authenticité de notre engagement », conclut frère Xavier.
Manu VAN LIER
Retrouvez l’intégralité du dossier sur les trappistes dans le journal Dimanche n°36.