GPA… Trois lettres qui soulèvent les passions. A juste titre. D’autant qu’on ne parle jamais de l’enfant à naître.
Récemment, un colloque s’est tenu à Bruxelles, à l’initiative l’association américaine « Men having Babies ». Objectif : présenter les services de cliniques et agences américaines dans le domaine de la gestation pour autrui, la GPA. Le but était, selon les organisateurs, d’informer et d’encourager les couples homosexuels à s’inscrire dans leurs programmes. Lors de sessions parallèles, médecins et juristes ont expliqué à des candidats belges, français et allemands la façon de contourner leur législation nationale lorsque celle-ci interdit formellement la pratique de la GPA commerciale, signale l’Institut Européen de Bioéthique (IEB). Face à cette initiative, le monde politique n’a pas manqué de réagir. Pour Karine Jiroflée, députée socialiste néerlandophone, « ce colloque est répréhensible et semblable à de la traite d’êtres humains ». De même, le cdH s’est exprimé avec force en rappelant son opposition à « toute forme de marchandisation du corps ». Pour le parti humaniste, « il est inacceptable de constater que d’aucuns importent ainsi dans notre pays un modèle qui a pour effet de développer le business existant autour de la gestation pour autrui et d’enrichir les intermédiaires tout en considérant les mère-porteuses comme des machines à faire des enfants. De plus, ce type d’organisation contribue à un glissement vers l’eugénisme, ce que nous dénonçons également ».
Pas question de faire passer l’éthique au second plan
Ces réactions vont dans le bon sens. Mais, cette manifestation a surtout relancé le débat sur la GPA, d’autant qu’en Belgique il n’existe pas de législation, même si le Sénat et la Chambre poursuivent leurs réflexions pour cadrer la GPA d’un point de vue législatif. Et en tant que croyants, nous ne pouvons pas accepter – et nous devons même lutter – que ne s’installe « un commerce des bébés ».
Au-delà de l’aspect commercial inacceptable prôné ouvertement par les organisateurs du colloque, il importe de se pencher sur ce délicat dossier. Car ses conséquences sont importantes d’un point éthique et ne seront pas sans conséquence sur l’avenir de la société.
A l’origine, la GPA avait pour objectif de permettre à des femmes stériles de devenir maman, grâce au fait qu’une autre femme allait porter leur enfant, conçu soit par insémination artificielle, soit par transfert de l’embryon, conçu préalablement in vitro, dans l’utérus de la mère porteuse. Celle-ci accepte donc de porter l’enfant ainsi conçu en son sein et de le remettre à la naissance au couple commanditaire.
Néanmoins, les changements sociologiques intervenus depuis quelques années ouvrent des perspectives qui sont autant d’occasion de dérives, telle que celle prônée par le colloque de Bruxelles. Pour en prendre conscience, il suffit de lire les arguments prônés par différentes associations qui militent pour l’homoparentalité et qui entendent promouvoir, aux yeux de l’opinion publique, la GPA comme une sorte de solution de justice à leur égard. Certains garantissent une « approche éthique de la GPA» ; ce qui sous-entend que toutes ne le sont pas. On parle aussi de « GPA altruiste », qui serait un élan de générosité à l’égard de certaines catégories de la population. Comme catholiques et chrétiens, il ne s’agit pas de porter un jugement sur les personnes. Comme il ne peut être question de stigmatiser les avancées médicales et technologiques.
Une dérive éthique
Mais il n’est pas question de faire passer l’éthique au second plan. Car dans ce dossier, nous n’entendons jamais parler de l’enfant, de son vécu et des conséquences que cela aurait pour lui. La pédiatre française Catherine Dolto, – fille de la célèbre Françoise Dolto – est spécialiste de la relation mère-fœtus : depuis plus de trente ans, elle tire la sonnette d’alarme. Elle estime qu’il faut recadrer la réflexion autour de l’intérêt de l’enfant issu de mère porteuse et des conséquences sur lui dès le développement prénatal. Dans une interview accordée à Famille Chrétienne, elle hausse le ton. « Avec la GPA, nous programmons le malheur d’un enfant », estime-t-elle. Elle parle même de « barbarie » à propos de l’aspect commercial de la GPA : « Organiser l’abandon d’un enfant pour des raisons commerciales est une pratique barbare qui va faire basculer l’Humanité dans l’inconnu. La commercialisation de l’enfantement n’est pas un progrès technique, mais bien une dérive éthique. Il est troublant de constater que l’abolition de l’esclavage est unanimement reconnue comme un progrès, alors que la location du corps d’une femme ne semble pas être perçue comme une régression ».
Ce qui interpelle cette pédiatre, c’est le fait que l’enfant à naître ne soit pas lui-même au centre du débat. Pour Catherine Dolto, le risque de sombrer dans le chaos est bien réel. « A mon sens, c’est déjà le cas lorsqu’une mère porte l’enfant de son propre fils, lui-même homosexuel, comme cela s’est produit récemment en Angleterre. En effet, nos sociétés humaines sont marquées par des interdits. Celui de l’inceste est partagé par toutes. Dans le cas anglais, ce tabou a totalement sauté. Il ne faudra pas s’étonner si nos sociétés produisent de plus en plus de violence, puisque les grands interdits ont comme fonction de la canaliser ».
Elle rappelle par ailleurs que le droit à l’enfant est plus important que le droit de l’enfant au respect de son humanité. Et pose la question de savoir ce quels sont les risques pour lui, tout au long de sa propre vie et de celle de sa descendance, qu’entraîne « cette manière inédite d’arriver au monde ».
Pour en revenir à la réflexion menée au Sénat concernant la mise en application d’une loi réglementant la GPA, le site Action pour la Famille rappelle que s’il est vrai que des GPA se pratiquent en Belgique et qu’une législation restrictive pourrait empêcher certaines pratiques réelles inacceptables, il y a néanmoins deux problèmes à une telle législation stricte. Le premier est celui du contrôle effectif sur le terrain de son application conforme aux termes de la loi. Comment vérifier, par exemple, qu’il n’y a pas de rémunération déguisée de la mère porteuse ou de dessous de table ?, s’interroge l’association. Le second problème, selon Action pour la famille, est qu’une telle loi légitimerait forcément le principe de la GPA, même si les conditions sont très strictes, et ne concernent que l’exception. Et de rappeler que les législations dans les domaines éthiques (avortement, euthanasie etc.) sont progressivement élargies et que dans les faits, le nombre des avortements et des euthanasies (légales et illégales) a considérablement augmenté depuis le vote des premières lois en ces domaines.
Bref, dans ce débat, il importe que l’Eglise fasse entendre sa voix. C’est la base même de notre société qui risque d’être ébranlée et même des personnes compétentes ne partageant pas notre foi, admettent qu’il y a un réel danger. A méditer…
Jean-Jacques Durré
© Photo : http://info-evangelique.fr