Le prisme déformant


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Le prisme déformant
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
2 min

JJ.DurréEditorial de Jean-Jacques Durré, paru dans "Dimanche" n°34 du 6 octobre 2013:

Dans l’actualité de ces dernières semaines, il est deux événements dont le traitement médiatique a interpellé la rédaction. Il s’agit de l’attaque des terroristes islamistes somaliens shebab contre le centre commercial Westgate de Nairobi et le double attentat-suicide commis devant une église au Pakistan; l'attaque la plus sanglante jamais menée contre la minorité chrétienne dans ce pays. Dans les deux cas, le nombre de morts a atteint plus de 80 personnes innocentes, victimes de la folie des hommes. Avant tout, il ne faut jamais oublier que derrière ces chiffres se trouvent non seulement des vies anéanties, mais aussi des familles brisées et dans la douleur.

Pourtant, ces deux événements ont eu droit, dans les médias d’informations générales, tant de la presse écrite qu’audiovisuelle, à un traitement différent. Pour l’attentat contre les chrétiens pakistanais, un flash au journal télévisé et un entrefilet dans les quotidiens nationaux. Pour l’attaque contre le centre commercial, un suivi en direct des opérations de police et une page entière dans un grand quotidien bruxellois, juste en vis-à-vis d’ailleurs avec l’entrefilet sur l’attentat de Peshawar.

Pourquoi cette différence ? Sans doute parce qu’inconsciemment, nous nous sommes identifiés à ceux qui fréquentaient le centre commercial de Nairobi; un centre semblable à ceux que l’on trouve chez nous, avec ses boutiques modernes et de luxe. Peut-être les journalistes se sont-ils dit involontairement que cela pouvait arriver ici, et que chacun, dans nos familles et nos proches, pouvait être une victime potentielle du terrorisme aveugle. Et les malheureux chrétiens pakistanais, alors ?

Il est évident que nous avons cette chance - que l’on ne mesure pas – de pouvoir pratiquer notre foi sans danger. Qui pourrait imaginer, chez nous, qu’au sortir de la messe dominicale, l’une de nos assemblées paroissiales soit la cible de kamikazes fous ? Cela nous paraît tellement éloigné! Et pourtant, il y a bel et bien des êtres humains qui ne peuvent pratiquer leur foi que dans la clandestinité et au péril de leur vie. Ne l’oublions jamais. Car, ainsi est fait l’être humain: on voit toujours les choses par le prisme déformant de soi-même et de ce que nous vivons. Oui, malgré la crise, les injustices, les inégalités, nous avons de la chance. Soyons-en conscients.

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