Dans un entretien accordé à la revue jésuite « La civilta cattolica », le pape François a précisé, jeudi 19 septembre, sa vision de l’Eglise, de son gouvernement et de ses priorités. Il rêve d’une Eglise qui accompagne les êtres humains jusque dans leurs blessures.
Le secret a été incroyablement bien gardé. Sans doute parce qu’il était aux mains des Jésuites, cet ordre religieux prestigieux, fondé par l’Espagnol saint Ignace de Loyola et dont le pape François est issu. Premier jésuite de l’histoire de l’Église à avoir été élu sur le trône de Pierre, il a choisi de confier la première grande interview écrite de son pontificat – simultanément publiée le mercredi 19 septembre à 17h, heure de Rome – à une quarantaine de revues jésuites dans le monde. En France, c’est la revue intellectuelle « Études » qui délivre sur son site l’intégralité de l’entretien qui a été accordé au directeur de la revue « La civilta cattolica », le père Antonio Spadaro.
Ce dernier a rencontré l’évêque de Rome, les 19, 23 et 29 août, dans son petit bureau de la chambre 201 de la maison Sainte Marthe du Vatican où il réside désormais. « Ce fut une conversation plutôt qu’une interview« , confie le jésuite italien. Six mois seulement après son élection, ce texte fournit, au-delà de différents aspects plus personnels qui permettent de mieux connaître l’homme, de précieuses indications sur sa conception de l’Eglise, la manière de la gouverner et de conduire les réformes nécessaires.
« La première réforme doit être celle de la manière d’être »
A ce sujet, le pape explique que sa détermination à faire avancer les dossiers n’est pas synonyme de précipitation. Tout « changement vrai et efficace » a besoin de temps, celui du « discernement« . « Je me méfie (…) des décisions prises de manière improvisée« , confie-t-il. Aussi, la réflexion, le dialogue, la consultation et la prière lui paraissent-ils nécessaires dans la préparation de toute décision, parce que le doute, l’incertitude, l’ambiguïté font partie de la vie.
A ses yeux, les réformes structurelles ou organisationnelles sont secondaires. « La première réforme doit être celle de la manière d’être. Les ministres de l’Evangile doivent être des personnes capables de réchauffer le cœur des personnes, de cheminer dans la nuit avec elles, de savoir dialoguer et aussi de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. Le peuple de Dieu veut des pasteurs et pas des fonctionnaires ou des clercs d’Etat (…). Je rêve d’une Eglise mère et pasteur. »
Ouvrir de nouveaux espaces à Dieu
Le pape estime, par ailleurs, que l’Eglise doit cesser d’être obsédée par les questions de morale. « Nous ne pouvons pas seulement prendre position sur les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives. Ce n’est pas possible« , insiste-t-il. Il met aussi en garde contre toute forme de restauration et de conservatisme dans l’Église – y compris en matière liturgique. « Si le chrétien est légaliste ou cherche la restauration, s’il veut que tout soit clair et sûr, alors il ne trouvera rien. La tradition et la mémoire du passé doivent nous aider à avoir le courage d’ouvrir de nouveaux espaces à Dieu« , explique-t-il. Le pape veut donc plutôt des chrétiens audacieux, qui se portent aux « périphéries de l’existence », là où la vie est fragilisée et la dignité humaine bafouée. « L’annonce de l’amour salvifique de Dieu est premier par rapport à l’obligation morale et religieuse. Aujourd’hui, il semble parfois que prévaut l’ordre inverse. »
Pascal ANDRE
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