Une fois de plus, nous nous trouvons à un moment charnière de la guerre civile en Syrie: l'utilisation massive, non prouvée jusqu'à présent, mais peu mise en doute, de l'arme chimique par le régime d'al Assad contre sa propre population pourrait provoquer une réaction militaire occidentale. Mais beaucoup s'inquiètent des conséquences qu'une telle intervention pourrait avoir, en premier lieu le Saint-Siège.
Le principe de l'intervention militaire est reconnu sur le plan international lorsqu'un Etat faillit à sa "responsabilité de protéger" et, a fortiori, lorsqu'il attaque lui-même sa population. Formulé ainsi, cela paraît très simple, mais encore faut-il pouvoir en apporter la preuve. Certes, les inspecteurs de l'ONU ont obtenu l'autorisation de se rendre sur le site de l'attaque chimique présumée, près de Damas, cinq jours après les faits, mais leur marge de manœuvre est très étroite. Au mieux, ils ne pourront que déterminer si une attaque de ce type y a été menée, sans en désigner l'auteur. Londres craint, en effet, qu'une bonne partie des éléments de preuve aient été détruites ou abîmées en cinq jours. De toute façon, rien ne dit que les experts pourront mener à bien leur mission, puisqu'à peine arrivés sur place, ils étaient les cibles de tireurs embusqués et ont dû faire demi-tour.
Quoi qu'il en soit, à l'exception de la Russie et de l'Iran, la plupart des membres de l'ONU ont peu de doutes sur la responsabilité du régime syrien dans cette attaque. Reste maintenant à voir quelle sera leur réaction ? Les risques de voir le conflit embraser l'ensemble de la région sont effectivement très élevés. Il suffit de voir ce qui se passe au Liban pour s'en persuader. Entre le 15 et le 23 août, Beyrouth et Tripoli ont été le cadre de trois attentats particulièrement meurtriers, qui ont fait une cinquantaine de morts et plusieurs centaines de blessés. Pour l'opposition, ces attentats ont pour objectif de "provoquer un conflit odieux qui entraînerait la région vers la destruction et le chaos".
Risque d'embrasement
Si les Etats-Unis ont décidé de renforcer leur présence militaire en Méditerranée en y envoyant un navire destroyer de plus, équipé de missiles Tomahawk, le président américain hésite à intervenir, bien qu'il ait affirmé, l'an dernier, que les armes chimiques étaient le fil rouge à ne pas dépasser. Non seulement l'opinion publique américaine ne veut pas d'une nouvelle intervention militaire, mais tout laisse à penser qu'une opération de ce genre n'aurait d'autres conséquences que d'embraser la région, accroître les risques d'attaques terroristes et renforcer l'image négative de l'Occident dans les pays arabes. De plus, l'absence de perspective d'installer un pouvoir représentatif, légitime et capable, rend toute intervention hautement périlleuse.
De plus, le président américain doit faire face à l'opposition de la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, et de l'Iran qui menacent les Etats-Unis de "dures conséquences" en cas d'intervention. "Tout cela ne peut que nous rappeler les événements d'il y a dix ans, quand, en prenant pour prétexte des informations mensongères sur la présence en Irak d'armes de destruction massive, les Etats-Unis, en contournant l'ONU, se sont lancés dans une aventure, dont tout le monde connaît maintenant les conséquences", a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe Alexandre Loukachevitch.
Le président syrien, de son côté, dément les accusations d'attaques chimiques et met en garde le président Obama contre toute intervention militaire. "L'Amérique a mené plusieurs guerres et n'a jamais atteint les objectifs pour lesquels ces guerres ont été déclarées", a-t-il déclaré. "N'ont-ils pas compris que toutes ces guerre n'ont apporté rien d'autre que la ruine et l'instabilité au Proche-Orient et dans d'autres régions du monde ?"
Se rencontrer et dialoguer
Un point de vue que doit partiellement partager le pape François, même si leurs objectifs sont diamétralement opposés. "Ce n'est pas l'affrontement qui offre des perspectives d'espérance pour résoudre les problèmes, mais la capacité de se rencontrer et de dialoguer", a-t-il déclaré, le 25 août dernier, à l'issue de la messe dominicale, après avoir demandé à ce que cesse le bruit des armes. Observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies, Mgr Silvano Tomasi a lui aussi réaffirmé sa ferme opposition à toute éventualité d'une intervention armée dans le pays. "L’expérience nous a montré au Moyen-Orient, en Irak, en Afghanistan, que de telles interventions armées n’ont apporté aucun résultat constructif. Et donc le principe qu’avec la guerre on perd tout reste toujours valable", a-t-il déclaré.
Pascal ANDRÉ