Les évêques catholiques et le synode de l’Eglise protestante de Belgique viennent d’adresser un message d’amitié conjoint aux amis musulmans à l’occasion de la fête du Sucre. C’est l’occasion de relancer le débat sur l’élargissement des jours de congé fériés légaux aux autres communautés confessionnelles et non confessionnelles de notre pays.
Je me réjouis du beau message d’amitié que nos évêques, Mgrs Guy Harpigny et Leon Lemmens, ensemble avec le président du synode de l’Eglise protestante de Belgique, M. Steven Fuite, viennent d’adresser à nos frères et sœurs musulmans à l’occasion de la fin du Ramadan. Nos pasteurs chrétiens catholiques et protestants consacrent ainsi « nos valeurs communes » ainsi que « la richesse de nos différences. […] Reconnaissons à chaque personne l'importance de son histoire personnelle, de sa liberté à chercher son chemin vers Dieu, et construisons ensemble un monde où cela est rendu possible. »
Personnellement, j’ai l’habitude depuis longtemps de me solidariser avec mes amis musulmans au début du mois du Ramadan et de leur souhaiter une bonne Fête d’Id al-Fitr à sa fin, tout comme j’ai une pensée amicale pour mes amis juifs à Yom Kippour ou pour Roch Hachana, et je transmets mes vœux d’amitié à mes amis non confessionnels entre autres le Jour de l’An et pour la Journée Internationale de la Femme du 8 mars… Des gestes de ce genre ne forment-ils pas les assises de la « citoyenneté partagée » qu’évoquent les Mgrs Harpigny et Lemmens et M. Fuite ?
En effet, le fait d’arrêter nos activités quotidiennes pour s’attarder ensemble aux moments-clé de la vie est une démarche fondamentale. Qui n’adresse pas ses vœux à sa famille ou ses amis au Nouvel An ou ne se déplace pas pour leurs fêtes de mariage, pour accueillir leurs nouveaux nés ou pour leur pendaison de crémaillère ? Ce ne sont pas des futilités. Au contraire, il n’y a pas de manière plus forte de que montrer son respect pour l’identité de l’autre en reconnaissant l’importance des moments forts de l’année et de la vie pour lui et en partageant ses sentiments à cette occasion.
Interculturalité
Lors du dernier contrôle budgétaire, la suppression d’un des jours fériés légaux était une des propositions avancées pour faire des économies et diminuer les coûts salariaux. Elle n’a finalement pas été retenue. Mais pouvons-nous parler de jours fériés exclusivement en termes budgétaires et économiques sans se soucier de leurs origines religieuses ou de leur importance tant pour le vécu confessionnel que pour le calendrier non confessionnel ?
La question des jours fériés est si fondamentale pour le « vivre ensemble » des différentes identités culturelles ou religieuses, que j’appelle les partenaires sociaux à la prendre enfin à cœur. Pourquoi les jours fériés légaux se limitent-ils à des dates à référence culturelle chrétienne ? Ne pourrait-on pas valoriser davantage l’identité des autres communautés confessionnelles en intégrant leurs jours de fête dans l’organisation du travail ? Pourquoi donner congé à tout le monde le lundi de Pentecôte et négliger Pessah ou Id al-Adha, les grands jours pour respectivement nos amis juifs ou musulmans ?
Une des recommandations du comité de pilotage des « Assises de l’Interculturalité » de novembre 2010 portait sur ces jours fériés. Ce comité de sages, parmi lesquels figuraient entre autres Mgr Harpigny et le Grand rabbin de Bruxelles, M. Albert Guigui, proposait aux partenaires sociaux d’examiner sérieusement la piste de remplacer quelques jours fériés par une date sans référence chrétienne comme par exemple cette Journée Internationale de la Femme, et par la possibilité de prendre un « congé flottant » selon les propres coutumes culturelles ou religieuses établies.
Concrètement, il s’agit de donner sans devoir prendre. Le conducteur de train musulman travaillant normalement à l’Assomption pourrait, en concertation avec son employeur, prendre un jour de congé férié légal pour la Fête du Sacrifice. La vendeuse d’origine juive pourrait servir les clients de la boulangerie dans laquelle elle travaille le lundi de Pâques tandis qu’elle participerait, dans son quota de dix jours, à la prière de Tachlikh le premier jour de l’année juive. Et que Toussaint ne soit plus férié pour tous ne changera rien : les écoles resteraient fermés pour la semaine de Toussaint et les parents qui le voudraient y inséreraient leur « jour férié flottant ».
Plus fort que le budget
Cette année-ci, les fêtes du Sacrifice et du Sucre tombaient en plein mois d’été et de vacances ; les années à venir par contre, ils impliqueront de nouveau des périodes d’examens ou de rush économique. Le débat sur les jours fériés légaux ne peut être conclu sans respect réciproque pour nos moments forts de l’année. Aux partenaires sociaux à y mettre d’urgence un peu de bonne volonté : nombreux sont les secteurs et les entreprises qui le font déjà, mais la symbolique d’un dispositif généralisé dans ce sens dans notre droit du travail serait inestimable.
Benoit Lannoo (*)
(*) Benoit Lannoo investit depuis longtemps dans l’amitié inter-religieuse. Il est l'ancien porte-parole de la ministre de l’Egalité des chances.
Ce texte n’engage pas la rédaction et ne reflète pas nécessairement son point de vue.