À Washington, le Congrès américain a lancé le débat sur la réforme de l’immigration voulue par Barack Obama. Un chantier qui ne devrait pas être de tout repos, vu les opposants au projet. Mais, dans ce combat qu’il estime juste et qui vise à légaliser des millions d’immigrants illégaux, le président américain a reçu un soutien de poids : celui de l’Eglise catholique.
Réformer la législation sur l’immigration est un sujet sensible, surtout en tant de crise où les taux de chômage sont élevés. C’est le cas dans de nombreux pays et notamment outre-Atlantique. Au pays de l’Oncle Sam, le nombre de sans-emploi ne recule pas, ce qui n’empêche pas le président américain de viser la légalisation de 11 millions de sans-papiers clandestins, dont près de deux sur trois sont mexicains. Au total, 40 millions d’immigrés vivent sur le sol américain.
Le débat sera long, mais un consensus semble émerger en faveur d’une immigration choisie. Bien que le taux de chômage soit toujours élevé, selon les critères américains – 7,6 % – et que la reprise économique reste hésitante, la réflexion lancée par Barack Obama a été relayée, une fois n’est pas coutume, par des élus républicains. Ainsi, à l’origine des premiers débats, se trouvent huit sénateurs – 4 élus démocrates et 4 élus républicains – qui s’inspirent des grands axes défendus par le président. Ce n’est bien sûr qu’un début, mais l’Amérique semble bien engagée sur la voie d’une réforme historique, avec le soutien à la fois des organisations progressistes et de l’Église catholique.
Régularisation massive, sous conditions
Si la loi est adoptée, les onze millions de sans-papiers, qui vivent et travaillent aux Etats-Unis, obtiendraient un statut légal temporaire et pourraient travailler, conduire et voyager en toute liberté – à condition d’être arrivés dans le pays avant le 31 décembre 2011 et d’y avoir résidé en continu depuis. Autre condition : payer des frais d’un montant de 500 dollars (380 €) et d’éventuels arriérés d’impôts, et enfin d’avoir un casier judiciaire quasi vierge (maximum de deux délits mineurs).
Après dix ans, ces immigrés pourront ensuite déposer une demande de « carte verte », la fameuse « Green Card » qui correspond à un permis de séjour permanent. Trois ans plus tard, ils pourraient demander à être naturalisés. Pour les personnes arrivées enfants sur le territoire américain, qui n’ont donc connu que l’Amérique ou presque, la procédure serait accélérée : en cinq ans, ils devraient obtenir la nationalité.
Changement de ton des républicains
Si le parti républicain s’est finalement rallié à l’idée du président démocrate, c’est pour une raison de stratégie électorale. Auparavant, un tel projet de loi aurait déclenché une vive opposition de sa part. Mais, après avoir adoptés, durant la dernière campagne présidentielle, un ton très dur, les républicains ont compris que cette attitude les privait du vote d’un électorat hispanique qui pèse de plus en plus lourd. I faut savoir que les électeurs d’origine latino-américaine ont voté à 71 % pour Barack Obama en novembre dernier, représentant près d’un électeur sur dix.
En contrepartie de cette légalisation programmée, et pour rallier les élus plus conservateurs, le projet de réforme insiste sur la sécurisation de la frontière avec le Mexique, une ligne de 3 000 km aujourd’hui très poreuse. Un budget de 4,5 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros) sera consacré à la construction d’une double clôture par endroits et à l’achat de technologies de surveillance, y compris des drones. Un nouveau système informatique fédéral forcera par ailleurs les employeurs à vérifier que leurs salariés ont un statut légal.
La réforme en discussion ne vise pas uniquement à résoudre le problème de l’immigration illégale : les élus américains veulent également attirer chez eux des immigrants reconnus pour leurs compétences professionnelles. Un nouveau système à points pour l’obtention de cartes vertes serait créé, fondé notamment sur le niveau d’éducation et le nombre d’années passées aux États-Unis.
Les chercheurs et les étrangers « extraordinairement » qualifiés ne seraient pas soumis aux plafonds annuels définis pour ce statut de résident permanent. Même chose pour les visas de travail dans des secteurs très qualifiés.
L’Église catholique, soutien de poids à cette réforme
Dans ce débat, le président a reçu un soutien de poids de la part de l’Eglise catholiquue. Déjà, lors de l’assemblée plénière d’automne des évêques américains, Mgr José Gomez (photo), archevêque de Los Angeles, avait exhorté le président américain et le Congrès à adopter une réforme globale de la politique américaine d’immigration. « La législation qui vient d’être introduite au Sénat aurait déjà dû être votée depuis longtemps », a notamment écrit l’archevêque dans l’hebdomadaire catholique The Tidings.
« La réforme de l’immigration est le test des droits civiques pour notre génération. Beaucoup de gens ne comprennent pas l’engagement de l’Église pour cette cause. Pour moi, c’est une question de droits de l’homme et de dignité humaine. Il s’agit de savoir qui nous sommes en tant que personnes et en tant que nation », », poursuivait-il.
Cette question sera inévitablement au cœur des débats.
JJD (avec La Croix)