ONU : Accord historique pour réglementer le commerce des armes


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ONU : Accord historique pour réglementer le commerce des armes
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
5 min

Après sept années de négociations, les États membres des Nations unies ont adopté, ce 2 avril 2013, à une forte majorité un traité sur le commerce des armes. Celui-ci interdit aux États de transférer des armes classiques dans d’autres pays lorsqu’ils sauront que ces armes serviront à commettre ou à faciliter des génocides, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre. Un succès diplomatique historique !

Ce traité est le premier texte majeur sur le désarmement à l'échelle mondiale, depuis l'adoption du traité sur l'interdiction des essais nucléaires de 1996. Fruit de sept ans de négociations, le texte prévoit qu'avant toute transaction d'armes - du pistolet aux avions du guerre - chaque pays doit évaluer si ces armements vendus peuvent être utilisés pour contourner un embargo international, commettre des "violations graves" des droits de l'homme, ou être détournés au profit de terroristes ou de criminels. Si c'est le cas, la transaction ne doit pas être autorisée.

Le traité porte aussi sur tous les échanges internationaux d'armes, mais ne concerne pas les lois nationales sur le port d'armes. Les munitions seront traitées à part, avec des contrôles moins exigeants. C'était une volonté des Etats-Unis, premier vendeur d'armes au monde avec 30% du marché. Au total, 154 pays se sont ralliés au texte, tandis que 23 Etats se sont abstenus, parmi lesquels certains des principaux exportateurs d’armes (Russie, Chine) ou acheteurs de ces armes (Egypte, Inde, Indonésie). Enfin, la Syrie, la Corée du Nord et l'Iran - trois pays frappés par un embargo sur les armes - ont voté contre.

Succès diplomatique historique

Quoiqu’il en soit, nombreux sont les Etats qui se réjouissent de l’accord intervenu, qui met, pour une fois les droits de l’homme à l’avant-plan. C’est le cas notamment du Saint-Siège, qui jouit d’un poste d’observateur à l’assemblée des Nations Unies. Le site News.va, reprenant Radio Vatican estime que cet accord est « un succès diplomatique historique pour le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon ». Le Saint-Siège pense que le traité devrait donner "un nouvel élan" au désarmement.

Chaque pays est libre de signer ou non ce traité sur le désarmement et de le ratifier. Il entrera en vigueur à partir de la cinquantième ratification, ce qui "prendra un an ou deux", selon Peter Woolcott, un diplomate australien ayant présidé les négociations à New York.

« Nous vivons un moment historique. Après de longues années de campagne, la plupart des Etats ont décidé d’adopter un traité mondial susceptible d’empêcher les livraisons d’armes aux pays qui risquent de les utiliser pour commettre des atrocités », a déclaré Brian Wood, responsable du programme Contrôle des armes et droits humains à Amnesty International. « Bien que la Corée du Nord, l’Iran et la Syrie aient cyniquement tenté de le bloquer, ce traité susceptible de sauver des vies, fondé sur la protection des droits humains, a reçu le soutien massif d’une très large majorité d’États. »

Obligation d’évaluer la situation

La nouveauté réside dans le fait que cet instrument oblige aussi tous les gouvernements à évaluer le risque que les armes, munitions ou composants transférés dans d’autres pays ne soient utilisés pour commettre ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Les États ont accepté de ne pas autoriser ce type de transferts dès lors que ce risque est réel et ne peut être atténué.

« Si l’on pense aux énormes intérêts économiques et au pouvoir politique qui sont en jeu pour les grands fabricants et exportateurs d’armes, ce traité est un hommage à la société civile qui a défendu l’idée de sauver des vies et de réduire la souffrance humaine, ainsi qu’aux gouvernements qui ont soutenu cet appel », a souligné Widney Brown, directrice générale chargée du droit international et de la stratégie politique au sein d’Amnesty International.

« Dans les quatre prochaines années, le commerce annuel des armes classiques, des munitions, des composants et des pièces détachées va dépasser les 100 milliards de dollars et pourtant aujourd’hui les États ont décidé de donner la priorité aux êtres humains et à la sécurité. »

Depuis le début des années 1990, Amnesty International a joué un rôle majeur dans les efforts de la société civile et des lauréats du Prix Nobel de la paix pour obtenir des règles mondiales juridiquement contraignantes sur les transferts d’armes internationaux, afin de limiter les livraisons d’armement qui alimentent les atrocités et la violence.

En ligne avec la demande du Saint-Siège

Depuis plusieurs mois aussi, le Saint-Siège a travaillé pour que ce traité aboutisse. En juillet 2012, lorsqu’un échec se profilait, l’Observateur permanent du Saint-Siège aux Nations-Unies était intervenu à la tribune pour rappeler que « les armes ne peuvent pas être simplement comparées aux autres biens commerciaux échangés sur les marchés nationaux et internationaux ». Mgr Francis Assisi Chullikatt avait estimé que « le trafic illégal d’armes a un impact pernicieux sur le développement, la paix, les lois humanitaires et les droits humains ». Et d’ajouter : « Le Saint-Siège continue donc de croire qu’un Traité sur le commerce des armes peut faire une différence importante pour des millions de personnes faisant face à l’insécurité, la privation et la peur liées à un trafic sans règle et irresponsable d’armes et de munitions ainsi que l’acquisition illégale de celles-ci par des criminels ou des acteurs non étatiques qui n’y ont pas droit ». Un discours qui trouve un écho positif aujourd’hui.

Enfin, notre ministre des Affaires étrangères Didier Reynders a souligné l'importance de l’approbation du traité international sur le commerce des armes. « Ce succès donne un élan significatif à la diplomatie multilatérale. Pour la première fois depuis de nombreuses années, la communauté internationale est parvenue à un accord sur un thème sécuritaire aussi délicat », a-t-il réagi.

JJD

(c) Photo: Nations Unies


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