Malgré un taux de chômage assez élevé, le président américain entend ouvrir la voie à la légalisation de 11 millions de sans-papiers. Sur ce point, il peut compter sur le soutien de l'Église catholique, qui plaide depuis longtemps pour une réforme du système d'immigration.
Depuis le 10 avril, le Sénat est engagé dans un vaste débat portant sur une réforme ambitieuse des procédures d'entrée et d'accueil sur le territoire américain. Porté par un groupe de quatre démocrates et de quatre républicains, ce texte pourrait conduire, s'il était voté, à la légalisation de 11 millions de sans-papiers, en majorité mexicains, qui vivent et travaillent aux ÉEats-Unis . Ils obtiendraient un statut légal et pourraient travailler, conduire et voyager en toute liberté, – à condition d’être arrivés avant le 31 décembre 2011 dans le pays et d’y avoir résidé en continu depuis, de payer des frais d’un montant de 500 dollars et d’éventuels arriérés d’impôts, et enfin d’avoir un casier judiciaire quasi vierge (maximum de deux délits mineurs).
Après dix ans, ces immigrés pourront ensuite déposer une demande de "carte verte", le permis de séjour permanent. Trois ans plus tard, ils pourraient demander à être naturalisés. Pour les personnes arrivées enfants sur le territoire américain et qui n’ont donc connu que l’Amérique ou presque, la procédure serait accélérée: en cinq ans, l’affaire serait bouclée.
Calculs politiques
Il y a quelques mois à peine, cette proposition aurait fait sortir de ses gonds l'opposition, mais depuis leur défaite à la présidentielle de novembre, les républicains ont abandonné leur opposition à toute régularisation, dans l'espoir de reconquérir l'électorat hispanique qui les a désertés au profit des démocrates et de Barack Obama. En échange de leur soutien, ils ont toutefois demandé une contrepartie, à savoir la sécurisation de la frontière avec le Mexique. Un budget de 4,5 milliards de dollars sera ainsi consacré à la construction d’une double clôture par endroits et à l’achat de technologies de surveillance, y compris des drones. Un nouveau système informatique fédéral sera également mis en place afin de forcer les employeurs à vérifier que leurs salariés ont un statut légal.
Enfin, la réforme en discussion ne vise pas uniquement à résoudre le problème de l’immigration illégale: les élus américains veulent également attirer chez eux des immigrants reconnus pour leurs compétences professionnelles. Un nouveau système à points pour l’obtention de cartes vertes serait créé, fondé notamment sur le niveau d’éducation et le nombre d’années passées aux Etats-Unis.
Un soutien de poids
Barack Obama sait que le débat sera long, mais il sait aussi qu'il pourra compter sur le soutien de l’Eglise catholique. "La législation qui vient d’être introduite au Sénat aurait déjà dû être votée depuis longtemps", écrivait d'ailleurs, il y a peu, l’archevêque de Los Angeles, José H. Gomez, dans l’hebdomadaire catholique "The Tidings". "Beaucoup de gens ne comprennent pas l’engagement de l’Église pour cette cause. Pour moi, c’est une question de droits de l’homme et de dignité humaine." Il a également souligné certains points sur lesquels les évêques américains seront vigilants en matière de législation: la réduction des délais nécessaires à l'obtention de la citoyenneté, la suppression des obstacles pour les migrants à faible revenu ou encore l'importance de préserver l'unité familiale.
Le président de la conférence épiscopale américaine, le cardinal Timothy Dolan, a par ailleurs dénoncé ceux qui tenteraient d'utiliser l'attentat du marathon de Boston pour s'opposer à la réforme. Pour lui, rendre tous les immigrés responsables des actions de deux personnes serait "absurde, déloyal et injuste".
Pascal ANDRÉ