Les Tanguy : Parents, on vous aime…


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Les Tanguy : Parents, on vous aime…
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
3 min

Avez-vous un enfant dont l'âge est compris entre 18 et 34 ans? Loge-t-il toujours chez vous? Vous dit-il le matin: "Maman, Papa, je vous aime…"? Si vous répondez par l'affirmative à toutes ces questions, méfiez-vous… La personne, dans votre salon, qui avale des chips, étalée dans votre joli canapé en cuir, est très certainement un Tanguy. Explication.

D'après Wikipedia, "le phénomène Tanguy désigne un phénomène social selon lequel les jeunes adultes tardent à se séparer du domicile familial ou y reviennent après l’avoir précédemment quitté". La dénomination "Tanguy", quant à elle, vient du film d’Étienne Chatiliez. Une comédie acide à souhait dans laquelle le personnage principal, Tanguy, à 28 ans, vit toujours chez papa-maman. Il a beau être brillant et charmant, ses parents, Paul et Edith Guetz, un riche couple de cinquantenaires, vont faire de son existence un enfer pour le forcer à quitter leur luxueux appartement parisien.

Si tous les géniteurs de Tanguy ne réagissent pas comme les Guetz, le phénomène, lui, est international. D'après l’Office européen des statistiques, Eurostat, 46% des jeunes adultes européens, âgés de 18 à 34 ans, soit 51 millions de personnes, vivaient chez leurs parents en 2008. Le phénomène, plus marqué en Europe de l'est et du sud, s'explique en partie par l'actuelle situation socio-économique des jeunes européens. Particulièrement touchés par la crise, ils connaissent souvent le chômage à la sortie de leurs études. Eurostat souligne dans son rapport que, pour la plupart des 18-34 ans européens, rester vivre au domicile parental est une question de nécessité.

Quid de la Belgique?

En août 2012, l'Institut du Développement durable publiait une note visant à quantifier l'ampleur du phénomène des Tanguy en Belgique. Commentée par l'économiste belge Philippe Defeyt, l'étude révèle qu'en 2009, près d'un million de jeunes adultes habitaient avec leurs parents, et que les Tanguy étaient massivement des jeunes hommes…

Certes, les sources statistiques sont pauvres. Seules les données obtenues par l'enquête "Statistics on Income and Living Conditions" (source de données à partir desquelles est calculé notamment le taux de pauvreté) permettent de se faire une première idée quantitative du phénomène. En voici les grandes lignes…

Depuis 2004, le nombre de Tanguy augmente. Ils n'étaient que 875.000 en 2004! D'après Philippe Defeyt, cette hausse serait due à l'évolution du pourcentage des Tanguy entre 18 et 24 ans.

Comment expliquer cette amplification? Tout d'abord, la catégorie d'âge 18-24 ans a gonflé de 40.000 personnes depuis 2004. Deuxièmement, la proportion d'emplois permanents a baissé pour eux, alors que chez les 25-34 ans, elle est plus ou moins stable. Enfin, de plus en plus de 18-24 ans entament ou prolongent des études.

Quant aux 25-34 ans, environ trois quarts d'entre eux ont un travail, et donc des revenus. Ainsi, les 200.000 Tanguy de cette catégorie là demeurent à la maison pour toutes sortes de raisons, sauf financières.

Et les parents dans tout ça?

Un nombre croissant de parents doivent faire face plus longtemps qu'avant à l'entretien d'un ou de plusieurs enfants après 18 ans. Dans un contexte de crise, où eux-mêmes ont des difficultés croissantes à nouer les deux bouts, les parents ont du mal à laisser leurs enfants seuls face à leurs problèmes économiques et sociaux: crise du logement, grande difficulté à s'insérer dans le monde professionnel, financement des études, etc. Une attitude compréhensible, louable, mais fatale pour le budget parental…

En effet, dans quelle mesure le Tanguy participe-t-il aux dépenses du ménage? Quelles répercussions sa présence amène-t-elle sur l'épargne des parents? L'étude de l'Institut du Développement durable admet certains manques, en raison des rares sources disponibles. Affaire à suivre, donc.

Une chose est sûre, c'est que l'ère des gavroches qui font le mur, le balluchon sur le dos, est en voie d'extinction. Parents, on vous aime…

Anne LECONTE

Catégorie : L'actu

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