Editorial de Jean-Jacques Durré paru dans le "Dimanche Express" n°4 du 3 février 2013 :
Le drame social qui frappe à nouveau la sidérurgie liégeoise ne peut nous laisser indifférents. Quelque 1.300 travailleurs vont perdre leur emploi, sans compter les conséquences que ces licenciements vont entraîner indirectement. Il ne faut pas l’oublier: derrière les chiffres se trouvent des souffrances humaines que l’on ne peut négliger.
Au-delà du constat, il importe de s’interroger sur la vision de l’avenir. A notre époque, le facteur humain est, hélas, devenu un critère financier comme un autre. Les grands groupes industriels sont dirigés par des financiers pour qui, à l’heure de la mondialisation, les ratios de productivité et de rentabilité sont les seuls critères qui importent dans les décisions d’investissement ou de fermeture d’usines. La Belgique n’est pas assez rentable? On ferme et on s’installe dans un pays où les coûts salariaux sont inférieurs aux nôtres, et où les conditions de travail sont moins réglementées et contrôlées. De fait, c’est à l’échelle mondiale que l’on travaille et, à cet égard, la vieille Europe et la Belgique n’ont pas vu arriver ces changements. Comme elles n’ont pas pris conscience de ce que le monde avait changé.
D’autres contrées, que l’on disait "sous-développées" il y a quelques dizaines d’années encore, sont devenues des géants industriels et financiers. Le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie entre autres. Certes, le développement rapide de ces pays est une bonne chose pour le niveau de vie des populations, mais il faut rappeler que, même si une classe moyenne a pu émerger, l’injustice sociale reste d’actualité. C’est là que le bât blesse. Dans notre pays, la législation sur le travail est contraignante, mais elle protège les travailleurs des abus qui étaient le quotidien des hommes et des femmes du XIXe siècle. Dans les pays récemment industrialisés, les normes sont beaucoup plus floues, et le respect de l’être humain n’est sans doute pas le facteur prépondérant.
Face à cette situation, il est donc urgent d’apporter une réponse globale, à l’échelle de la planète. Il existe suffisamment d’organisations pour discuter de cette problématique, telles les Nations unies, l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), etc.
Réfléchir à une solution pour sauver le maximum d’emplois est louable, mais il faut aujourd’hui que nos dirigeants mettent au centre de leurs préoccupations le débat social, aux niveaux européen et mondial, en martelant que l’être humain n’est pas une marchandise et qu’il a droit au respect.