Editorial de Pascal André, paru dans « Dimanche Express » n°41 du 25 novembre 2012 :
Cette année, il n’y aura pas de véritable arbre de Noël sur la Grand-Place de Bruxelles. Le roi des forêts sera remplacé par une armature artistique de bois et de métal, qui sera illuminée par des guirlandes flash, des lumières LED et des projections vidéo. Si les plus avant-gardistes d’entre nous se réjouissent de cette « audace » de la ville de Bruxelles, d’autres, plus nostalgiques, regrettent de voir cet arbre symbolisant la vie au plein cœur de l’hiver remplacé par une structure inerte et sans âme. Un point de vue que l’on peut tout à fait comprendre, voire partager, contrairement à celui des personnes qui voient dans cette initiative une atteinte à leurs convictions religieuses.
Nul, bien sûr, ne peut nier que, depuis quelques années, les symboles chrétiens sont mis à mal par nos responsables politiques. Les croix tendent à disparaître des mitres de saint Nicolas, les vacances de Pâques ont été rebaptisées vacances de printemps, et le marché de Noël a été remplacé par les Plaisirs d’hiver. Mais il ne faut pas non plus voir le mal partout. Si le conifère naturel a été abandonné, cette année, ce n’est pas pour des motifs religieux, mais pour des raisons esthétiques, assurent en effet les édiles bruxelloises. De toute façon, si leur intention avait réellement été d’éviter de choquer la communauté musulmane, comme l’a affirmé la conseillère communale Bianca Debaets (CD&V), elles auraient certainement plutôt enlevé la crèche de Noël, qui est un symbole bien plus chrétien que le sapin. D’origine païenne, ce dernier ne s’est d’ailleurs répandu en Europe du Nord qu’au XIXe siècle. Pas de quoi, donc, crier au scandale.
Ce qui est, par contre, beaucoup plus choquant, ce sont les relents islamophobes de la pétition qui a circulé sur le Net et rassemblé quelque 25.000 signatures. Quel rapport, en effet, entre le sapin de Noël et l’interdiction de la viande de porc dans les cantines scolaires? Pourquoi cet amalgame, si ce n’est pour jeter la suspicion et faire monter d’un cran supplémentaire les tensions communautaires? Dans le contexte actuel de crise économique, il aurait été bien plus judicieux de faire porter la critique sur le prix de l’installation. À près de 45.000 euros, l’arbre de Noël électronique est au moins six fois plus cher qu’un sapin traditionnel. Voilà un point qui aurait bien davantage mérité que l’on monte au créneau.