C’est avec une interpellation que le théologien péruvien Gustavo Gutiérrez a tenu à participer au Congrès Continental de Théologie qui s’est tenu du 7 au 11 octobre à Sao Leopoldo, au Brésil.
Plus de 700 personnes ont assisté à cette téléconférence de Gutiérrez, qui ne pouvait être présent, à la suite d’une chute. Gustavo Gutiérrez est l’auteur du fameux ouvrage « Théologie de la libération ».
Au cours de son intervention, Gutiérrez a rappelé que la théologie latino-américaine revêt de nombreux visages. Des visages dont la lutte pour l’existence et la reconnaissance est permanente. Il a, ensuite, centré son intervention sur le thème qui lui tient le plus à cœur : la pauvreté. « La pauvreté n’est pas une fatalité, c’est une condition, a-t-il martelé. C’est le résultat de la main humaine, qui peut également en terminer avec une situation antihumaine, antiévangélique », a-t-il insisté, reprenant les termes utilisés lors de la Conférence latino américaine de Puebla, en 1979. « Personne n’est insignifiant pour Dieu, mais pour notre société, oui ! », a ajouté le théologien.
« Les personnes peuvent être insignifiantes pour des raisons socio-économiques, mais également raciales, religieuses, etc. (…) ils ne sont pas seulement des sujets sociaux, mais aussi et surtout des êtres humains qui ont droit au bonheur ».
Il a également rappelé l’importance de la conférence de Medellin, en Colombie, qui s’était tenue en août 1968. « D’un point de vue latino américain, cette conférence a été la première et d’une certaine façon l’unique réception continentale du Concile Vatican II. », ajoutant encore « Ces portes ouvertes par Vatican II ont suscité de grandes espérances et ont motivé nombre d’expériences. Quel langage est nécessaire pour ceux qui ne sont pas considérés comme des êtres humains, des personnes, des fils de Dieu? Les questions dépassent notre capacité de réponse mais on ne peut pas les éviter, car elles existent encore aujourd’hui. »
Gustavo Guttiérez a souligné que « vivre sa spiritualité ou sa foi est un style de vie. C’est une manière d’être humain et chrétien. La pauvreté et l’insignifiance sociale sont un vrai défi à la vie de la foi. C’est difficile de faire comprendre ça aux nombreuses personnes qui vivent leur pauvreté comme une calamité sociale, alors qu’au fond, c’est une question humaine globale. En fait, a poursuivi Gustavo Guttiérez, la pauvreté est une mort physique et d’une certaine manière une mort culturelle. Comme chrétiens, nous sommes appelés à être témoins de la résurrection, et donc, de la victoire de la vie sur la mort. »
Quant au rôle moteur de la théologie, Guttiérez précise : « Avec humilité mais conviction, la meilleure réponse que nous pouvons donner pour dire que le peuple est aimé de Dieu est de faire preuve de solidarité avec les pauvres et de rejeter l’oppression dont ils sont l’objet. La Théologie de la Libération, que nous nommons l’option préférentielle pour les pauvres, est importante pour se souvenir que l’Eglise est celle de tous, mais principalement des pauvres. »
Gustavo Guttiérez estime qu’aujourd’hui, et pas seulement en Amérique latine, les chrétiens sont confrontés à de grands défis. Sécularisation, liberté religieuse, écologie, etc. Il estime que « la pauvreté est un défi à la vie de la foi, car elle nous amène à repenser au message chrétien et à mettre cette foi sur des bases différentes. » Etre près de Dieu implique d’être près des pauvres. « Comment parler aux pauvres d’un Dieu qui les aime ? Nous devons comprendre de quel Dieu nous parlons. » Aussi estime-t-il que la pluralité religieuse est essentielle.
Enfin, le théologien octogénaire s’est adressé aux jeunes théologiens présents dans la salle : « Vous devez être au plus près de la société, du peuple, étudier avec vigueur et prendre au sérieux les défis qui vous attendent. ».
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