Les pays occidentaux reprochent à la Russie et à la Chine de continuer d'opposer leur veto à toute résolution du conseil de sécurité de l'ONU ouvrant la voie légale à une intervention militaire en Syrie. Il n'est pourtant pas sûr qu'ils soient prêts à accepter les risques d'une telle opération. Explications.
Selon l'Observatoire syrien des Droits de l'homme, plus de 7.600 personnes, dont 500 enfants et une grande majorité de civils, auraient été tuées en Syrie depuis le début du mouvement de contestation en mars dernier. Bien que ce bilan ne cesse de s'alourdir, la communauté internationale ne parvient toujours pas à se mettre d'accord quant à la façon d'intervenir dans ce conflit. Une conférence internationale se tient actuellement à Tunis afin de définir un plan d'aide humanitaire et d'obtenir de Damas la fin des tueries, mais elle n'effacera probablement pas les divisions de la communauté internationale sur le dossier syrien, et l'absence de Moscou et Pékin, soutiens indéfectibles du régime de Damas, risque de planer sur la réunion.
Une méfiance compréhensible
Mais pourquoi les Occidentaux n'interviennent-ils pas en Syrie, comme ils l'ont fait contre Kadhafi en Libye? En fait, les raisons sont multiples et souvent très complexes.
Premièrement, il y a peu de chances que les Occidentaux obtiennent le soutien de la Russie et de la Chine. Leur veto s'explique moins par un soutien indéfectible à Assad que par la volonté des deux pays de tenir tête aux Occidentaux, en particulier après le précédent libyen. "Le fait qu'ils ont été roulé dans la farine, lorsqu'on est passé de la protection des populations au changement de régime, fait qu'il est désormais plus difficile de trouver un accord avec eux sur la Syrie", avertissait déjà en novembre dernier Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques à Paris.
Pour la Russie, l'enjeu est également de défendre ses intérêts en Syrie, pays avec lequel elle est liée par des contrats d'armement estimés à plusieurs milliards de dollars. Ce pays abrite en outre sur sa côte méditerranéenne la seule base navale russe hors des frontières de l'ex-Union soviétique.
Une opération qui risque de mal tourner
Si la communauté internationale hésite à intervenir militairement en Syrie, c'est aussi parce qu'une telle opération y serait beaucoup plus risquée qu'en Libye. Non seulement, la densité de population y est élevée – ce qui augmente le risque de tuer des civils –, mais la victoire est également loin d'être garantie. D'une part, l'armée syrienne compte environ 500.000 hommes et représente la deuxième puissance militaire arabe après l'Égypte. D'autre part, Bachar Al-Assad ne jouit pas seulement du soutien des minorités alaouites et chrétiennes qui craignent son remplacement par les islamistes, il bénéficie aussi de l'appui d'une partie de la majorité sunnite, notamment dans le milieu des affaires, qui profite depuis trente ans d'un environnement économique favorable.
Sur un plan géostratégique, il est également très difficile d'intervenir militairement dans ce pays. La Syrie est voisine d'Israël et de la Turquie, et est soutenue par l'Iran et la Russie. Une intervention de l'OTAN, même animée des meilleures intentions, pourrait donc conduire à une dangereuse internationalisation du conflit.
Un après-Assad beaucoup trop incertain
Mais ce n'est pas tout. Quand bien même une intervention militaire parviendrait à faire tomber Assad, l'expéricience américaine en Irak montre que cela ne signifierait pas pour autant la fin des problèmes. L'opposition syrienne est très divisée. Le risque de déboucher sur une guerre civile, qui contraindrait les troupes occidentales à rester des années sur place, ou sur la mise en place d'un régime islamiste est très élevé.
Les risques que représenterait une intervention armée paraissent d'autant plus élevés que le "retour sur investissement" pour les Occidentaux serait faible. Contrairement à l'Irak et à la Libye, il y a peu de pétrole en Syrie. En fait, le veto de Moscou et de Pékin arrangent plutôt bien la France et les États-Unis qui, à quelques mois d'élections présidentielles, n'ont pas trop envie de s'engager en Syrie.
P.A.