Dans un monde secoué par la crise écologique, les inégalités croissantes et les tensions entre les peuples, le cours de religion pourrait sembler dépassé. Son rôle est pourtant essentiel ! Olivier Vincent en est convaincu. Après avoir travaillé dans la finance d’entreprise, il est devenu… prof de religion !
Les jeunes d’aujourd’hui vivent dans un climat d’incertitude. Le changement climatique, les conflits, la précarité sociale et les crises politiques suscitent chez eux à la fois une peur de l’avenir et une quête de sens. Pourtant, si ces mêmes jeunes disent se sentir "anxieux", une large majorité affirme aussi vouloir "s’engager pour un monde meilleur".
C’est dans cette tension entre inquiétude et espérance que le cours de religion peut jouer un rôle décisif. En lui redonnant toute sa dimension spirituelle et humaniste, il devient un espace où les élèves peuvent réfléchir à ce que signifie "croire" dans un monde blessé. Et comment la foi peut inspirer des choix de vie concrets au service de la création et des autres.
Le GIEC et la Bible
Dans son encyclique Laudato si’ (2015), le pape François a profondément renouvelé la vision chrétienne de la relation à la Création. En invitant à une "conversion écologique intégrale", il explique que la crise écologique n’est pas seulement environnementale, mais aussi humaine et spirituelle (§ 66). "Tout est lié", écrit-il, car la dégradation de la nature, la pauvreté, la violence et la perte du sens du sacré participent à une même rupture intérieure.
Dans le cadre scolaire, cette constatation pourra prendre corps au travers du cours de religion. Par exemple, confronter les élèves aux données scientifiques du GIEC sur le climat, puis les relier aux récits bibliques de la Création, permettra d’ouvrir un dialogue fécond entre foi et science. Cela montrera que le regard croyant complète la connaissance rationnelle par une éthique du respect et de la responsabilité. Ajoutons que si le cours doit être factuel, il doit aussi être adapté à son public. Là où des statistiques ne seront que des chiffres pour des jeunes de 12-15 ans, des témoignages seront probablement plus percutants.
Une mission actuelle
Le jeune découvrira ainsi que "garder et cultiver le jardin" (Gn 2,15) ne relève pas d’un mythe ancien, mais d’une mission actuelle: celle de devenir cocréateur avec Dieu d’une Terre habitée avec justice et gratitude. Profondément sensibles à la question de la justice sociale, beaucoup de jeunes, même éloignés de la foi, aspirent aussi à un monde plus équitable. Le cours de religion a alors une autre mission: celle de relier cette soif de justice à la Parole de Dieu.
La tradition biblique est traversée par cet appel: des prophètes d’Israël aux Evangiles, la foi se manifeste toujours dans le souci des pauvres, des exclus et des opprimés. Le pape François le rappelle dans l’encyclique Fratelli Tutti (2020): "Au nom des pauvres, des personnes dans la misère, dans le besoin et des exclus que Dieu a commandé de secourir comme un devoir demandé à tous les hommes et, d’une manière particulière, à tout homme fortuné et aisé […] nous déclarons adopter la culture du dialogue comme chemin; la collaboration commune comme conduite; la connaissance réciproque comme méthode et critère."
En classe, cela peut se traduire par des projets solidaires, des discussions sur la consommation responsable ou l’étude de grandes figures chrétiennes engagées (saint François d’Assise, Dorothy Day, Marie-Louise Rochebillard ou Martin Luther King). Ces exemples concrets montrent que la foi n’est pas un repli, mais un moteur de transformation sociale.
Les recherches en sciences de l’éducation soulignent par ailleurs que l’apprentissage devient plus significatif lorsqu’il relie la connaissance à l’action. Enseigner la religion sous cet angle, c’est former non seulement des croyants éclairés, mais également des citoyens responsables et solidaires.
Témoin plutôt que juge
Dans un monde fragmenté, marqué par les conflits identitaires et les divisions religieuses, le cours de religion peut enfin être un lieu prophétique de rencontres. Loin de renforcer les clivages, il peut devenir un espace de dialogue interconfessionnel, où chacun apprend à parler de sa foi sans exclure celle des autres. Cela suppose, pour l’enseignant, d’adopter une posture de témoin plutôt que de juge, et d’inviter au dialogue plutôt qu’à la certitude imposée.
En découvrant les Textes bibliques ou les paroles d’autres traditions religieuses sur la paix, les jeunes apprennent que la foi authentique conduit à la fraternité universelle. Comme le dit Jésus dans les Béatitudes: "Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu" (Mt 5,9).
Une mission éducative et prophétique
Face aux défis contemporains, le cours de religion ne doit pas se refermer sur une nostalgie du passé. Il est appelé à devenir un lieu d’ouverture, d’écoute et d’espérance. En articulant écologie, justice sociale et paix, il répond à la triple mission éducative du chrétien: aimer Dieu, aimer son prochain et prendre soin de la Création.
Laudato si’ le rappelle avec force: "L’éducation à la responsabilité environnementale peut encourager diverses attitudes qui expriment la solidarité, la responsabilité et le soin fondamental envers les autres."
Ainsi compris, le cours de religion n’est pas une survivance du monde ancien, mais une école du futur: un espace où foi et raison, science et conscience, se rejoignent pour préparer des générations capables de bâtir un monde réconcilié.
Olivier VINCENT
Passionné par l’idée d’enseigner à la croisée de la foi et du monde, Olivier Vincent rédigera chaque mois sur cathobel.be. une chronique consacrée aux défis et à la réalité du cours de religion aujourd’hui.
