Solennité de la Trinité : le Mystère de Dieu, tout simplement


Partager
Solennité de la Trinité : le Mystère de Dieu, tout simplement
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le
7 min

A la Pentecôte, Dieu a accompli son plan d’amour pour l’humanité: faire de nous ses enfants, par son Fils Jésus, dans l’Esprit Saint qui nous est donné. Le dimanche suivant, l’Eglise tourne nos regards vers la source première et le but ultime de toute chose : le Mystère de la sainte Trinité. Mystère qui celui d'une relation éternelle d'amour, à laquelle nous sommes appelés à participer.

Ce dimanche 15 juin, les chrétiens célébreront la solennité de la Trinité, dans une sorte de grande action de grâce embrassant l’univers entier, et nous donnant un avant-goût de la Jérusalem céleste: "Et toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer, et tout ce qui s'y trouve, je les entendis qui disaient: à Celui qui est assis sur le trône, et à l'Agneau, soient la louange, l'honneur, la gloire, et la force, aux siècles des siècles!" (Apocalypse, 5, 13).

Rendre grâce, c'est-à-dire répondre par notre amour et notre engagement à tout ce que Dieu a fait : susciter l’univers par sa seule volonté amoureuse ; appeler à la vie les êtres spirituels que nous sommes ; nous destiner à une vie avec Lui et en Lui, et accomplir ce dessein pour nous et avec nous, en prenant sur lui notre faiblesse et en passant par notre mort - ce passage de la mort à la vie étant le sens du mot "pâque".

Mais surtout, lors de la fête de la Trinité, nous fêterons Dieu, nous le célébrerons pour ce qu’il est. Un peu comme on célèbre un enfant lors de son anniversaire. Sauf que, dans le cas de Dieu, c’est son éternité que l’on célèbre, et ce que recouvre ce mot étrange : la Trinité.

Un Mystère qu'il est vain de vouloir percer...

Qu'est-ce que la Trinité ? Comment comprendre cette notion de Dieu exclusivement chrétienne, à savoir que le Dieu Un, auquel croient les chrétiens dans la continuité de la foi juive, soit aussi Trine ? On rapporte ce récit à propos de saint Augustin. Un jour, sur la plage d’Hippone, sa ville d'origine en Afrique du Nord, Augustin réfléchissait au mystère de la Trinité. Il vit un enfant qui, avec une coquille, versait de l’eau de la mer dans un trou creusé dans le sable. Il lui demanda ce qu'il faisait. L'enfant lui répondit : "J’ai décidé de mettre toute l’eau de la mer dans ce trou". L’évêque lui fit remarquer, en souriant, la vanité de ses efforts. L’enfant - moins que ce fût un ange - lui répliqua qu’il était tout aussi vain de vouloir percer le Mystère de la Sainte Trinité...

Morale de ce récit : on ne peut espérer contenu le Mystère insondable de Dieu dans nos pensées humaines, si profondes soient-elles, encore moins dans une définition ou une formule, forcément réductrice, aussi élaborée et nuancée soit-elle.

3 raisons pour parler de la Trinité

Mais si on ne peut comprendre Dieu comme Trinité, pourquoi dès lors en parler ? Essentiellement pour deux raisons étroitement liées entre elles. D'abord, parce que Dieu s'est révélé aux humains comme Père, Fils et Esprit. Deuxièmement, parce que Dieu a créé l'humain comme un être doué d'esprit, qui implique (même si pas exclusivement) une capacité d'intelligence qui le pousse à chercher à comprendre. Or, à côté de tout ce que l'humain peut comprendre, il peut également comprendre qu'une réalité au moins dépasse sa compréhension : celle qu'on appelle, en Occident, Dieu.

Il existe une troisième raison, plus circonstanciée mais liée aux deux premières, pour laquelle il est légitime, et même indispensable, d'au moins tenter d'approcher, un tant soit peu, le Mystère de la Trinité. C'est le fait que, depuis ses débuts, le christianisme a été mis en question, tant par des non chrétiens que par certains chrétiens eux-mêmes, en particulier sur la foi en Dieu Père, Fils et Esprit. Ce qui a amené l'Eglise à préciser, notamment à travers les quatre premiers conciles oecuméniques, ce qu'il faut entendre (mais davantage encore ne pas entendre) dans cette révélation de Dieu transmise par le témoignage des apôtres.

Ce qui est compréhensible, c'est que Dieu soit incompréhensible

Si l’on ne peut comprendre la Trinité, c’est donc d’abord au sens où l’on ne peut comprendre Dieu. Si Dieu existe, il ne peut être, en soi, qu’incompréhensible. S’il existe, il échappe, on pourrait dire par définition, à tout mesure humaine. Il ne peut qu’échapper à toute possibilité d’observation, d’expérimentation, il ne peut que dépasser nos sens et notre intelligence.

Si l’on pouvait observer Dieu, le soumettre à nos instruments d’analyse, comme on observe des cellules au microscope ou des étoiles au téléscope, c’est qu’il ne s’agit tout simplement pas de Dieu qui, s’il existe, est transcendance absolue par rapport à l’univers qu’il a créé et, partant, par rapport à nous. On pourrait citer ici la célèbre formule attribuée à Albert Einstein: "Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible". A propos de Dieu, on pourrait retourner la formule, et dire: "Ce qui est compréhensible, c’est que Dieu soit incompréhensible".

Un Mystère révélé

Autrement dit, notre intelligence peut comprendre Dieu, le concept de Dieu et son existence, mais seulement comme ce qui la dépasse infiniment, c’est-à-dire comme Mystère. Et lorsque, comme les croyants le croient, Dieu s’est lui-même fait connaître à l’humanité, lorsqu’il lui a révélé ce qu’il est et qui il est; lorsqu’il s’est donné à entendre par les prophètes et à voir en Jésus-Christ, c’est encore une fois comme Mystère incompréhensible, insondable, indicible, mais que nous sommes pourtant appelés à connaître intimement.

Comment savons-nous que Dieu est Trinité? Si la réalité de Dieu peut être approchée de très loin, par les lumières de notre intelligence, le Mystère de la Trinité ne peut, quant à lui, être connu que parce que Dieu s’est révélé à nous comme tel. Soyons précis : ni la première annonce de la Bonne Nouvelle par les apôtres, ni la transmission orale originelle dans les premières communautés chrétiennes, ni le Nouveau Testament qui en découle, ne mentionnent le mot "trinité", qui n'apparaît qu'au IIe siècle. Par contre, la foi en Dieu-Père, Dieu-Fils, Dieu-Esprit est présente dès l'origine du christianisme.

Des textes qui résistent

Quand on veut montrer que Dieu n’est pas Trinité à partir du Nouveau Testament, le texte "résiste" à tous les arguments qu’on oppose à la réalité trinitaire de Dieu. Lorsque Arius (256-336), un prêtre d'Alexandrie, avance que Jésus n’est pas le Fils éternel du Père, qu’il ne partage donc pas réellement la divinité du Père, il se base sur le récit évangélique du baptême de Jésus, et sur les paroles que le Père prononce à ce moment-là: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qu’il m’a plu de choisir" (Matthieu 4, 17). Or, l’interprétation d’Arius ne tient pas compte d’autres passages des évangiles, comme le prologue de l'évangile de Jean : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. [...] Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a dévoilé." (Jn 1, 1.18).

Le dogme pour protéger le Mystère

C’est ainsi que le dogme de la Trinité s’est formé au cours des cinq premiers siècles: en réfutant, les unes après les autres, les interprétations qui tendaient à amputer le Mystère de Dieu de l’un ou l’autre aspect de sa réalité. Ainsi, la théologie d'Arius fut officiellement rejetée au premier concile de Nicée, il y a exactement 1.700 ans. Quant au dogme trinitaire (mais c’est également le cas des autres dogmes), sa finalité n’est pas d’enfermer le Mystère dans des formules mais, au contraire, de le protéger contre toutes les tentatives de réduction. Et d’approfondir constamment sa Réalité ineffable.

Nous voici arrivés au bout de cette réflexion, et nous n’avons encore rien dit sur ce qu’est la Trinité. Puisqu’il s’agit d’un Mystère incompréhensible, autant faire court et simple. La Trinité (contraction de Tri-Unité, du latin Trinitas), c’est le Père qui, de toute éternité, engendre et aime son Fils et se donne totalement à Lui, de sorte que le Fils est "autant Dieu que Dieu"; et le Fils qui, en réponse éternelle d’amour, se donne tout entier à son Père; et cet Amour échangé éternellement qui est tellement intense qu’il est lui-même Dieu, Esprit Saint. Disons encore plus simplement: la Trinité est Relation d'amour, dans laquelle nous sommes, chacune et chacun, appelés à entrer.

Christophe HERINCKX


Dans la même catégorie