Au sanctuaire de Banneux, Mgr Franco Coppola, nonce apostolique en Belgique, a répondu sans détour aux questions brûlantes des fidèles belges : Pourquoi les évêques de Namur et Tournai tardent à être nommés ? Quelle place pour les femmes dans l'Église ? Comment est-il devenu nonce apostolique ?... Un échange captivant, sans langue de bois, à découvrir ici.
Ce dimanche 6 avril, Mgr Franco Coppola était présent au sanctuaire Notre-Dame de Banneux pour échanger avec des fidèles belges autour du thème «Promesse d’un nouveau printemps pour l’Eglise». Un temps d'échange organisé par la section liégeoise de Pro Petri Sede ("Pour le Siège de Pierre"), association dont le but est de soutenir l'action du pape et l'unité de l'Eglise universelle.
Si ce thème peut paraitre à première vue abstrait, les participants à la séance de questions-réponses n'ont pas hésité à interroger le nonce apostolique sur des sujets très concrets, voire des dossiers "chauds" pour l'Eglise. Nomination des évêques à Namur et Tournai, place des femmes dans l'Eglise, trajectoire personnelle... tout ou presque a été mis sur la table par les intervieweurs d'un jour. Le représentant du pape François à Bruxelles a répondu à toutes ces questions, sans langue de bois, et non sans humour.
Cerise sur le gâteau : nos confrères de la radio 1RCF Belgique, et plus précisément de l'émission Près de Chez Vous Verviers-Ardennes, étaient présents pour collecter ces échanges et poser quelques questions au nonce, en aparté. L'enregistrement complet est à retrouver en bas de cet article. Mais juste avant, nous vous en proposons les meilleurs passages...
Comment est-il devenu nonce apostolique ?
C'est à l'issue de l'eucharistie dominicale, qu'il a lui-même présidée, que Mgr Coppola s'est présenté à l'assemblée de fidèles, dans la Chapelle du Message de Banneux. L'occasion pour le nonce de dialoguer avec des fidèles belges sur des grands thèmes qui mobilisent actuellement l'Eglise locale et mondiale.
Une première participante prend la parole et lui demande : "Comment devient-on nonce apostolique ?"
Mgr Franco Coppola commence par revenir sur son parcours de vie. Originaire des Pouilles, une région au sud de l'Italie "où les gens sont très religieux", il est entré au séminaire il y a 50 ans. "C'était en 1975, une Année sainte comme cette année !" Initialement, il comptait entrer au séminaire de la région. "Mais la région comptait 5 millions d'habitants et le séminaire seulement 400 places, donc il était déjà plein". Son évêque lui a alors dégoté une place au séminaire de Rome, qui se trouve juste derrière la basilique Saint-Jean-de-Latran.
Une mauvaise image des diplomates du Saint-Siège
Il évoque alors les infrastructures sportives dont jouissaient les séminaristes à l'époque - terrains de football, volleyball, basketball, tennis... Une évocation pas si anecdotique que cela puisqu'elle a failli jouer dans la suite de son parcours : "Le tennis, nous on voyait cela comme un sport élitiste. Ça coûte cher, il faut acheter une raquette chère... Puis, c'est un sport un peu triste parce qu'on est deux, parfois quatre, alors qu'au foot par exemple c'est vingt-deux joueurs ! Or, on voyait des élèves de l'Académie pontificale, vous savez les prêtres qui se préparent à la diplomatie, qui arrivaient habillés parfaitement, jouaient un peu au tennis et puis repartaient."
A cette époque, Mgr Franco Coppola avait une très mauvaise image des prêtres qui formaient le corps diplomatique du Saint-Siège : "On regardait ces prêtres engagés dans la diplomatie avec un certain mépris. C'était, de notre point de vue, des prêtres qui avaient presque trahi la mission. Parce qu'au lieu de se donner pleinement à l'évangélisation et aller à la rencontre des gens, ils avaient choisi d'aller dans le monde diplomatique, passer de réception en réception..." Lui, pour sa part, se formait au séminaire avec l’idéal de devenir vicaire, vicaire paroissial. "Pas tellement curé, parce qu'un curé ça a beaucoup de soucis à gérer". Il voulait s'occuper de la catéchèse des jeunes, des enfants, "la partie la plus belle".
J'ai reçu une lettre...
Mais bien plus tard, durant un weekend où il était rentré chez lui, son évêque l'appelle et lui dit : "Franco, tiens, j'ai reçu une lettre qui parle de toi". C'était un cardinal qui demandait à l'évêque de mettre le jeune Franco Coppola à disposition du Saint-Siège pour le service diplomatique. "Je ne connaissais pas ce cardinal, lui ne me connaissait pas non plus, à vrai dire. Mais lui, en rencontrant le recteur du séminaire, il avait obtenu des informations sur certaines de mes caractéristiques qui, apparemment, correspondaient à ce que l’on attendait pour le service diplomatique. L'évêque m'a dit : Franco, moi j'ai besoin de l'appui de ce cardinal, donc dis oui !" Docteur en droit canonique, Franco Coppola entre dans le Service diplomatique du Saint-Siège le 1er juillet 1993.
A partir de ce moment, il a été successivement en poste dans les Missions diplomatiques du Saint-Siège au Liban, au Burundi, en Colombie, en Pologne et auprès de la Section pour les rapports avec les Etats de la Secrétairerie d'Etat, au Vatican.
Par la suite, l'archevêque a occupé le poste de nonce apostolique dans les pays suivants : au Burundi en 2009, en République centrafricaine en 2014, au Tchad en 2014, au Mexique en 2016... et en Belgique et au Luxembourg aujourd'hui !
🎬 Archive vidéo : Juste avant l'arrivée du Pape, le nonce nous parlait de son rôle
Pourquoi ne nomme-t-on pas plus rapidement des nouveaux évêques à Namur et Tournai ?
Parmi toutes les questions posées à Monseigneur Coppola, la nomination des évêques en Belgique est bien entendue arrivée sur la table. "Alors la question suivante, vous y attendez certainement, entame un autre participant en souriant, c'est pourquoi ne nomme-t-on pas des évêques plus rapidement dans les deux diocèses en Belgique francophone ?"
"C'est vrai, c'est compliqué" reconnaît le nonce. "Ces deux diocèses ont une histoire complexe, qui est faite de situations difficiles, de situations qui ont créé des divisions, des blessures." Pour lui, il s'agit de trouver, pour chacun de ces diocèses - Namur et Tournai - la bonne personne qui puisse à la fois "aider à guérir ces blessures", mais aussi, à travers son témoignage, "faire emprunter à l'Église belge et à son diocèse de nouvelle voies", qui s'avèrent aujourd'hui "nécessaires à emprunter" face aux nouveaux défis qui se présentent.
Un modèle bien rodé… aujourd’hui dépassé ?
Mgr Coppola a ensuite élargi sa réponse à une réflexion plus large sur la place de l’Église dans la société belge contemporaine. Une société qu’il perçoit comme en avance sur bien d’autres, "mais pas forcément dans le sens que c'est mieux". “L’Église en Belgique doit faire face à une situation nouvelle, puisqu'elle est confrontée à une société qui n'a pas besoin de Dieu." Pour lui, l'Eglise belge se trouve aujourd'hui en première ligne, dans une réalité qui préfigure ce que vivront d’autres Églises d’Europe "dans dix ou vingt ans, comme en Italie par exemple."
Pour lui, la faute de l'Eglise est peut-être d'avoir cru, à l'époque où toute la société était organisée autour du catholicisme, que ce modèle, cette "machine", allait marcher encore longtemps et de façon autonome. "Or, non, la machine n'a pas marché seule." Mgr Coppola partage alors une réflexion qu’il dit avoir souvent entendue à propos de la Belgique :
"On me dit que, par exemple, ici, c’était tout bien organisé. On naissait dans une clinique catholique. Ensuite, la famille — le papa, la maman, voire grand-papa, grand-maman — introduisait à la foi. Et tout de suite, on était envoyé à l’école catholique. Après l’école catholique, l’université catholique. Après l’université catholique, on avait un parti catholique, le syndicat catholique, la mutualité catholique. Tout était bien organisé. Et il y avait des institutions pour accompagner la personne tout au long de sa vie, pour vivre sa vie de façon catholique."
Mais ce modèle, selon lui, appartient désormais au passé : "Prenez l'exemple de la clinique catholique, aujourd'hui il n’y en a plus, parce qu’elles sont obligées de procéder à l’avortement, à l’euthanasie... et donc, par la force des choses, ne sont plus catholiques."
Quant à l’école catholique, Mgr Coppola émet quelques doutes : "École catholique, je ne sais pas. Personnellement, je n’ai jamais été à l'école ici. Mais je me pose des questions." Il se base sur des chiffres : "En Wallonie, on dit que 50 % des jeunes fréquentent l’école catholique, en Flandre c’est 70 %". Et pointe avec un soupçon de sarcasme : "Donc, on pourrait penser qu’une large majorité des jeunes sont formés d’une manière catholique. Mais bon, je laisse à vous la conclusion..." (rires dans l'assemblée)
Les départs à la retraite des évêques ? Une dure réalité et une lourde charge...
Après ce temps d'échange, c'est Bernadette Pâques, présentatrice de l'émission Mots et Merveilles sur les ondes de 1RCF Belgique, qui a eu l'occasion de recevoir Mgr Franco Coppola et prolonger la question sur les évêques : "Cela vous donne beaucoup de travail, j'imagine?"
"Oui, le chômage n'est pas de mise à la nonciature", répond-il avec une pointe d'humour. Depuis son arrivée au Chant d'Oiseau à Bruxelles, il a dû constater une série de départs à la retraite parmi les évêques belges, dont Mgr Hudsyn, puis le cardinal De Kesel. "Sans le vouloir évidemment, on a choisi des évêques de la même génération, et donc, maintenant, ils arrivent tous à l'âge de la retraite à peu près en même temps..."
Et cette série de départs n'est pas prête de s'arrêter : "L'année dernière, ça a été l'évêque de Namur et celui de Tournai. Cette année, c'est Gand. L'année prochaine, ce sera Liège. Dans deux ans, Hasselt. Dans trois, quatre ans, ce sera Anvers", a énuméré Mgr Coppola, soulignant ainsi la succession de nouveaux départs qui devra être gérée dans les années à venir.
Quelle place pour les femmes dans l'Eglise ?
Cette question, ainsi que bien d'autres, est à retrouver dans le podcast ci-dessous. Grâce à l'enregistrement intégral, diffusé par 1RCF Belgique, vous découvrirez notamment pourquoi l'une des premières questions que posera le nonce à Dieu, quand celui-ci aura décidé de le rappeler à lui, est : "Seigneur, pourquoi tu n'as pas choisi une femme parmi les Apôtres ?"
Clément LALOYAUX avec 1RCF Belgique