Comment orienter mon existence, lui donner sens? Quels sont les chemins du bonheur? Chacun se pose ces questions. (Certains croisent la route de personnes lumineuses, inspirantes; d’autres, hélas!, tombent sur gourous ou abuseurs.) Hier comme aujourd’hui!
Autour de Jésus, il y a du monde: les Douze, des disciples, enfin une foule de gens venus pour l’écouter et se faire guérir. Dans ce large auditoire, Jésus s’adresse en priorité aux disciples qui veulent se mettre à son école. Il leur parle de la quête du bonheur et de ses impasses.
Les béatitudes ne seraient-elles pas un ‘opium du peuple’, faisant miroiter aux pauvres et aux affligés un bonheur pour le monde d’après la mort et détournant leurs regards de leurs conditions de vie pénibles. De fait, l’utilisation du futur, "vous serez rassasiés, vous rirez", pourrait conduire à cette critique. Mais est-ce bien cela que Jésus veut dire? Et de quel futur parle-t-il?
Cette lecture des béatitudes est en réalité un énorme contresens. Premier indice: le futur dont Jésus parle n’est pas l’avenir ultime qui s’ouvrira pour chacun par-delà la mort. Non! Il parle de cet avenir proche, comme à portée de main, avenir de bonheur pour tous que nous pouvons faire advenir ‘hic et nunc’. La suite des paroles de Jésus (que nous écouterons dimanche prochain) le confirme: inviter à l’amour des ennemis, c’est pour aujourd’hui, et non pour l’au-delà!
Deuxième indice: dans les béatitudes et les lamentations, Jésus évoque le fruit de sa réflexion, de son expérience. Et plus encore de son engagement: en effet, il n’a cessé d’oeuvrer pour que dès maintenant advienne pour tous le Règne de Dieu. Ses faits et gestes en témoignent.
"Heureux vous qui pleurez maintenant." Quant à Naïm, il croise une pauvre veuve en larmes suite à la mort de son fils unique; Jésus le réveille et le rend à sa mère. Bonheur partagé par cette mère et son fils, et par Jésus!
"Heureux vous qui avez faim maintenant." Quand les Douze suggèrent à Jésus de renvoyer ses auditeurs pour qu’ils aillent chercher des vivres aux alentours, celui-ci les provoque: "Donnez-leur vous-mêmes à manger!" Bonheur de ce repas partagé!
"Heureux êtes-vous quand on vous insulte." Affronté au rejet, au mépris, à la haine jusqu’à être condamné au supplice de la croix, Jésus vivra dans la confiance et l’abandon le sort des rejetés. Bonheur de qui va jusqu’au bout de ses convictions. On pourrait relire tout l’Evangile et y découvrir Jésus vivant lui-même selon les béatitudes.
Ainsi les béatitudes attirent notre attention sur ce qui nous rend vraiment heureux tous ensemble, dès maintenant. Elles nous invitent à inverser le cours des choses en prenant à bras-le-corps toute forme de misère et de souffrance. A l’inverse, les ‘Hélas’ pointent ce qui conduirait nos vies à se perdre dans des sables mouvants.

Avec Jésus et comme lui, retroussons nos manches! Ce n’est pas le travail qui manque!
Brigitte RIGO