Passionné d’histoire, Grégoire Polet s’est penché sur la Conférence de la paix qui s’est tenue à Paris, en 1919. Le romancier s’est manifestement amusé en développant cet événement, se livrant à de multiples digressions. En septembre dernier, son roman Pax s’est vu décerner le Prix Pierre Mac Orlan.

L’élément déclencheur du roman Pax a été la préparation d’un documentaire, pour la plateforme culturelle Arte, à propos des négociations qui ont mené à la construction de l’Union européenne. "En me plongeant dans les archives, dans les mémoires et dans les souvenirs des acteurs de ces négociations, je suis forcément tombé sur des choses qui rappelaient la Conférence de Paris, en 1919. Je me suis passionné pour la manière dont l’histoire était racontée par ceux qui l’avaient vécue", se souvient Grégoire Polet.
Il en retire des enseignements valables pour l’époque contemporaine : "Il y a bien souvent un écart impondérable, imprévisible, entre les intentions et les réalisations. Cela m’inspire beaucoup de défiance et d’indulgence pour le travail des grands responsables. Ils ont une tâche qui est presque toujours à contre vent." Ainsi en est-il de la Conférence de la paix de Paris, longue de six mois, qui a notamment abouti au Traité de Versailles.
Cette conférence met aux prises des dirigeants venus des quatre coins du globe avec "des temporalités différentes", constate encore le romancier. Car, ajoute-t-il, "un des points communs des êtres sur cette planète, c’est d’être totalement uniques ! Tant qu’il n’y a pas cette prise de conscience individuelle, on ne pourra pas prendre conscience, collectivement, de la complexité, de la richesse et de la diversité humaine."
Dans ce livre, le romancier belge a "entremêlé l’histoire et les souvenirs personnels". Il traduit ainsi "une dette d’affection" à l’égard, notamment, de son père et de son grand-père. "L’aspect affectif y est intégré, or les historiens cherchent toujours à s’en défaire ! Il est vrai que retrouver, grâce à mon grand-père, le caractère personnel, le caractère sentimental et le caractère d’amour, dans le récit de la guerre 14-18, m’a permis d’approfondir la pâte humaine de l’événement." Et au-delà, de se retrouver proche de ses origines familiales wallonnes !

Un roman protéiforme
Çà et là, de multiples explications parsèment Pax. Cette manie de contextualiser vient de l’habitude de Grégoire Polet de raconter de nombreuses histoires à ses enfants. Ainsi, le narrateur n’hésite-t-il pas à poser, dans son récit, des interruptions liées à sa vie de famille : les enfants qui partent à l’école, ses recherches sur Google, l’évocation de la naissance de son grand-père à Harzé en 1903 ou celle d’une excursion à Weimar avec sa progéniture, mais aussi la publication d’une anthologie de la littérature européenne par son père…
Le livre est structuré en 15 chants, dans lesquels il relit l’histoire et les péripéties à sa manière : complètement subjective. Mélangeant les parcours de vie de Freud, de Proust… une grande liberté de ton habite Pax. Parmi les nombreux protagonistes, plus ou moins connus, de ce roman aux multiples entrées, figure un certain Monsieur Lou. La lecture des souvenirs de ce diplomate chinois a inspiré un personnage attachant à Grégoire Polet. En effet, son parcours atypique a tout de l’étoffe romanesque : d’une conversion au catholicisme à la suite de son mariage avec une Gantoise, à son installation, après son veuvage, comme moine en Belgique.
"Il y a une forme de désobéissance par rapport à l’actualité dans le fait de lire volontairement quelque chose qui ne fait pas partie de l’actualité", souligne encore Grégoire Polet, encourageant le public à la lecture d’auteurs intemporels.
Angélique TASIAUX
Grégoire Polet, Pax. Gallimard, 2024, 448 pages.