« J’ai trouvé ça déplacé », « je m’incline avec gratitude: les propos de Mariann Budde ont fait réagir


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« J’ai trouvé ça déplacé », « je m’incline avec gratitude: les propos de Mariann Budde ont fait réagir
Ce 21 janvier, le sermon de l'évêque Budd a marqué les esprits ©Washington National Cathedral
Par Vincent Delcorps
Publié le
3 min

C'est sans doute l'une des personnalités de la semaine écoulée: Mariann Budde, évêque épiscopale de Washington, s'est publiquement opposée au président Donald Trump en pleine célébration religieuse. Des propos courageux, qui ont été largement salués. Mais qui ont aussi été contestés. Pas seulement dans le camp du président américain...

En Belgique, peu de gens connaissaient sans doute Mariann Budde il y a une semaine. Ces derniers jours, tout le monde a vu passer son visage - et entendu ses propos - sur les médias. C'est dans la cathédrale de l'église épiscopale de Washington que cette femme de 65 ans s'est exprimée au premier jour du mandat présidentiel de Donald Trump - et alors que le président et son entourage se trouvaient à quelques mètres d'elle.

"Ils peuvent faire beaucoup mieux"

La femme n'a pas craint, en fin d'homélie, de livrer un message très politique. S'adressant directement à "Monsieur le Président", elle lui a demandé d'avoir "pitié" ("mercy", en anglais) de deux groupes menacés: les minorités sexuelles et les migrants sans-papiers. Au sortir de l'édifice religieux, Donald Trump n'a pas caché son mécontentement. "Avez-vous trouvé cela passionnant", lança-t-il aux journalistes présents? "Pas tellement, hein! J'ai trouvé que ce n'était pas un bon office, ils peuvent faire beaucoup mieux." Dans les jours qui ont suivi, les échanges se sont poursuivis entre le camp républicain et l'évêque américaine.

"Ca s'appelle se faire crosser"

Outre les grands médias, de nombreux catholiques n'ont pas manqué de relayer les propos. "Il l'a pas vu venir, celle-là", a rapidement réagi le cinéaste et militant écologiste Pierre-Paul Renders sur son mur Facebook. "Si je ne m'abuse, ça s'appelle se faire crosser. En pleine prière de sa propre investiture. Cette femme, l'évêque épiscopalienne de Washington s'appelle Marianne Edgar Budde et je m'incline avec gratitude devant son intégrité et son courage." Mêmes éloges chez le journaliste et écrivain français Michel Cool: "C'est l'honneur chrétien de faire entendre la liberté chrétienne quand la dignité humaine est menacée ou bafouée. (...) Pour reprendre la judicieuse métaphore de la truite, qu’employait souvent feu le cardinal Godfried Danneels (ancien archevêque de Malines-Bruxelles), le chrétien est appelé à nager souvent à contre-courant." Le jésuite belge Eric Vollen s'est également réjoui, toujours sur Facebook: "Voilà une bonne nouvelle dans la nuit sombre de l'investiture. Une audace étonnante de cette pasteure."

"Je ne vois pas du tout comment il est possible d'applaudir"

Des voix dissonantes, tout de même. Celle de l'historienne Caroline Sägesser, chercheuse au CRISP. Sur La Première et sur Facebook, elle exprima ses réserves. Sur le fond, tout d'abord, elle estime problématique une telle intervention religieuse sur le terrain politique. "Je ne vois pas du tout comment il est possible d'applaudir les prises de paroles politiques d'un clergé quand elles nous agréent et d'en récuser la légitimité quand elles ne nous conviennent pas". Sur la manière, aussi: "je pense que c'est déplacé d'apostropher et d'attaquer nominalement les fidèles qui assistent [à un service religieux]". La chercheuse a aussi marqué son désaccord sur l'usage du terme "mercy". "[Budde] se met dans la posture d'une suppliante face à un monarque tout puissant. Moi j'ai trouvé ça déplacé."

C'est essentiellement sur le premier point qu'a réagi Eric de Beukelaer, vicaire général de Liège, très présent sur les réseaux sociaux. Pour lui, c'est "parce qu'il existe une séparation entre les Eglises et l'Etat" que "les religions et spiritualités ont le droit et même le devoir de s'exprimer sur la chose politique, comme toute autre instances de la société civile." On sait le prêtre très attentif à faire entendre des voix chrétiennes dans les débats de société. "Si un syndicat peut le faire, ou une organisation humanitaire, pourquoi exclure une tendance philosophique? Le tout est que chacun reste dans son rôle: l'expression est libre et forte, parce qu'elle n'interfère pas, vu la séparation."

Vincent DELCORPS

Catégorie : Eglise monde

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