A la tribune des Grandes Conférences Catholiques, Mgr Luc Terlinden présente une Eglise humble et missionnaire


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A la tribune des Grandes Conférences Catholiques, Mgr Luc Terlinden présente une Eglise humble et missionnaire
Ce lundi 20 janvier, Mgr Terlinden était l'invité des Grandes Conférences Catholiques ©G.C.C.
Par Vincent Delcorps
Publié le - Modifié le
6 min

Ce lundi soir, l'archevêque Luc Terlinden était attendu à la tribune du prestigieux cycle de conférences bruxellois. Durant 74 minutes, il a présenté les sources d'espérance pour l'Eglise de Belgique. Un propos enthousiaste, stimulant, et ancré dans le réel.

Sans doute aurait-il préféré se trouver dans son lit. Mais, alors qu'une vilaine grippe le poursuit en ce mois de janvier, Mgr Luc Terlinden n'a pas fui ses responsabilités. Il faut dire qu'il est difficile de faire faux bond lorsqu'on est attendu par deux milliers de personnes... Dans les gradins de la magnifique salle Henry Le Boeuf de Bozar figuraient notamment le prince Laurent de Belgique, le ministre d'Etat Mark Eyskens, le nonce apostolique Franco Coppola, le (peut-être) futur ministre-président bruxellois David Leisterh. Pierre Warin, évêque de Namur, avait également fait le déplacement pour venir soutenir son confrère...

"Le grand vicaire"

C'est un président très concerné qui introduisit la soirée. Dans un lointain passé, Emmanuel Cornu, à la tête des Grandes Conférences Catholiques, vécut les joies des mouvements de jeunesse avec Luc Terlinden. Les deux hommes furent dans la même sizaine, puis dans la même patrouille. Où ils ne comptaient pas, paraît-il, parmi les plus respectueux des règles...

Pour présenter l'orateur du soir, c'est ensuite une femme qui prit la parole. Depuis janvier 2024, Rebecca Alsberge est déléguée épiscopale en charge du vicariat du Brabant wallon. Une nomination historique... décidée par Luc Terlinden. "Vous me demandez de présenter mon responsable, j'ai donc tout intérêt à ne pas raconter n'importe quoi", pointa-t-elle, provoquant des rires dans l'assemblée. Cette psychologue de formation s'en chargea ensuite avec la finesse d'analyse et la bienveillance qu'on lui connaît. Elle rappela notamment qu'elle rencontra celui qu'on appelait alors "le grand vicaire" lorsqu'elle était étudiante à la paroisse Saint-François de Louvain-la-Neuve. "Au départ, il m'a semblé un peu intimidant. Malgré lui par sa taille, et parfois aussi par un visage sérieux."

Quelques traits: pour Rebecca Alsberge, Luc Terlinden est fondamentalement un homme de foi. C'est aussi un homme ouvert, capable de rejoindre les jeunes là où ils sont, aimant rêver et oeuvrer avec d'autres. L'archevêque a le souci de comprendre le monde et le désir de faire connaitre Dieu.

Grandes Conférences Catholiques avec Mgr Luc Terlinden
De gauche à droite : Alexis Brouhns, S.A.R. le prince Laurent de Belgique, Mgr Luc Terlinden, Emmanuel Cornu et Rebecca Alsberge ©G.C.C.

Un homme de foi

L'archevêque s'avance ensuite au micro. Pour lui, ce n'est pas la première fois. En décembre 2021, alors qu'il était vicaire général de Malines-Bruxelles, il avait déjà introduit les orateurs d'alors, Michel Camdessus et Isabelle de Gaulmyn. Mais ce soir, c'est lui qu'on est venu écouter. Durant près d'une heure et quart, il s'exprime avec conviction. S'il a quelques notes sous les yeux, il ne lit pas son texte. Son propos est soutenu par un power-point coloré. Il est surtout habité. L'assistance le sent vite: cet homme, qui rappelle d'emblée que "Dieu a été jusqu'à donner son fils", n'est pas un orateur comme un autre. C'est un homme de foi, inspiré, et désireux d'annoncer la Bonne Nouvelle.

Le pouvoir de l'attraction

Au coeur de la réflexion de l'archevêque se trouvent les défis de l'évangélisation contemporaine. Ce qui passe par une brève mise en contexte. Après avoir rappelé que le temps des piliers (chrétien, socialiste et libéral) était révolu, l'archevêque prend soin d'acter la nouvelle situation de l'Eglise. "Nous sommes passés d'un christianisme qui était religion culturelle, à une Eglise missionnaire. Désormais, nous avons conscience que la foi chrétienne est une conviction parmi d'autres. Même si je ne dirais pas que les catholiques sont minoritaires; ils continuent à former la première religion."

Citant Benoît XVI, Luc Terlinden estime que c'est "par attraction" que le christianisme peut aujourd'hui toucher les coeurs. Comment? Par le moyens de communautés vivantes et accueillante, par le service des plus pauvres, par le témoignage et par les actes, par le goût de la Parole de Dieu, mais aussi par la liturgie ou la piété populaire... Le président de la Conférence épiscopale belge croit également en la force de la beauté. "Aujourd'hui, on ne fait plus confiance en la vérité, ni en la morale. Par contre, la beauté peut continuer à toucher les coeurs. Cette beauté est aussi celle de l'amour. Sur la croix, le Christ est beau. Il est beau par l'amour qu'il offre."

"Il faut généralement expliquer un mot sur deux"

Assez rare dans le cadre des Grandes Conférences Catholiques, l'archevêque diffuse deux vidéos de personnes témoignant de la façon dont elles ont découvert la foi chrétienne. On y voit une jeune femme, baptisée en 2024, et un jeune homme qui ne craint pas de parler de ses propres addictions passées. Coup de génie de l'archevêque: rien de tel que des visages pour incarner les joies de la nouvelle évangélisation.

L'exposé est clair, construit. Luc Terlinden se montre humble et authentique, connecté au réel d'aujourd'hui, attentif aux défis de notre temps et ouvert au changement. Comme quand il évoque l'importance des réseaux sociaux. Un sujet important mais compliqué. "On n'est pas très en avance", confesse l'archevêque. "Quand on en parle en Conférence des évêques, il faut généralement expliquer un mot sur deux pour savoir de quoi on cause..."

Si Mgr Terlinden n'est pas dans un exposé programmatique, il annonce, entre les lignes, de futures réformes. Singulièrement au sujet des paroisses - un sujet sensible, surtout pour les catholiques bruxellois d'un certain âge, assez bien représentés dans l'assemblée. Malin, l'archevêque n'indique pas à quelles conditions les paroisses pourront être maintenues, regroupées ou fermées. Mais, s'inspirant du pape François, il livre quelques principes de discernement. "Le temps est supérieur à l'espace", "l'unité prévaut sur le conflit", "la réalité est plus importante que l'idée", et "le tout est supérieur à la partie". Evoqués un peu rapidement, ces principes pointus auront sans doute plongé certains dans une brève somnolence...

La truite du Cardinal

Cela fait plus d'une heure que l'archevêque s'exprime, et il n'a encore nullement été question d'abus, de "débaptisations", ou de la (très clivante) place des femmes dans l'Eglise. C'est voulu - et c'est bien vu. Luc Terlinden serait-il trop optimiste? En fin d'exposé, il évoque enfin les points sensibles. En la matière, il n'hésite pas à partager ses questionnements. Le peu de vocations religieuses et sacerdotales? "J'avoue que c'est pour moi une question." L'avenir des institutions de l'ex-pilier catholique? "Il faudra sans doute de longs processus de discernement pour découvrir quelle est la place de l'Eglise et des croyants dans cette nouvelle configuration." Sur la question des abus, il se montre catégorique, comme toujours: "le scandale des abus est un contre-témoignage complet de l'Evangile." Mais il voit aussi, dans ce drame, des interpellations fondamentales: "je découvre que ce scandale peut aussi devenir un lieu fort pour vivre l'Evangile. A travers la relation avec les victimes, l'Eglise n'est-elle pas appelée à être attentive à chacune et à chacun, et spécialement aux blessés de la vie?"

L'homme insiste sur l'importance de la vulnérabilité et de l'espérance. En fin d'exposé, il reprend encore une image chère au cardinal Danneels - qui l'a tant marqué. Celle de la truite, qui ne craint guère d'aller à contre-courant. "L'Eglise ne veut pas se mettre en retrait du monde, mais il nous faut parfois nager à contre-courant. Par fidélité à l'Evangile et pour revenir à la source."

Grandes Conférences Catholiques 20 janvier 2025
La salle Henry Le Boeuf était bien remplie ce 20 janvier 2025 ©G.C.C.


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